Page 82 - monseigneur
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jours après, avec des reproches et pour reprendre son cheval.
                              Il reprochait au gars de J'avoir trompé, car le cheval ne voyait
                              pas clair! Celui-ci a répliqué: «Je t'ai pas trompé, je t'ai dit :
                              «Fais-le ouère »... et l'histoire a fini là ! Du maquignon-
                              nage...
                                 Même si la religion avait son importance, ma mère
                              n'allait pas souvent à la messe, car outre le dîner à préparer
                              et les enfants qui l'occupaient, il n'y avait pas de place pour
                              tout le monde dans les voitures. Je suis restée souvent avec ma
                              mère quand je n'avais pas encore l'âge d'aller à la messe.
                              Nous disions un chapelet et quand nous entendions sonner le
                              Sanctus, nous nous mettions à genoux quelques minutes; les
                              cloches sont de belle qualité, nous les entendions de loin. Les
                              sonneurs ne comptaient pas leurs efforts. Ce sont des sou-
                              venirs inoubliables! L'église de Saint-François est classée
                              monument historique. Tout en me berçant, pendant que ma
                              mère préparai t le dîner, je la faisais parler de son jeune
                              temps, de ses parents que nous ne connaissions pas, et elle me
                              chantait de vieilles chansons. J'étais déjà romanesque (sans
                              le savoir) ; j'aimais les récits et les vieilles choses.
                                 Bien sûr, il y avait la criée à la porte de l'église, assez sou-
                             vent, surtout en novembre, au profit des morts. Il se faisait
                             aussi des quêtes dans les rangs pour le même but. À cette
                             occasion, nous ouvrions la porte d'en avant! Le printemps, il
                             se faisait une autre quête dans les rangs, pour les biens de la
                             terre. C'était surtout de l'argent qui se donnait pour faire dire
                             des messes (rogations). La guignolée se courait la veille de
                             Noël ou du Jour de l'An.
                                 Quand Fortunat Lagotte, dans notre rang, est mort, nous
                             sommes allés, les jeunes, prier au corps! Les morts étaient
                             exposés sur les planches, celles-ci recouvertes d'un drap blanc.
                             On mettait le mort dans sa tombe juste avant de le placer dans
                             le corbillard. À la veillée, il y avait un lunch vers minuit, car
                             on veillait toute la nuit, et Marie, avec le chapeau dur (melon)


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