Page 77 - monseigneur
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Je vais parler un peu de cette soeur, Stéphanie, qui était
                                grande, blonde et avenante. Peu gênée, elle pouvait affronter
                                n'importe qui. Les garçons, tout en la trouvant de leur goût, la
                                craignaient; ça lui a nui, je pense. Sa façon de penser et de
                                dire les choses ne faisait pas toujours plaisir. Elle n'a pas
                                manifesté le désir de s'instruire au-delà de la petite école;
                                alors, mes parents lui ont fait faire un stage de six mois chez
                                une modiste du village. Elle cousait très bien. A ce propos, ma
                                mère avait décidé mO:1 père à lui acheter une machine à cou-
                                dre. Avant, la couture se faisait à la main: robes de droguet
                                avec le corsage en coton, des frocs (blouses) et des overalls (sa-
                                lopettes) pour les hommes. Ces overalls (culottes) étaient con-
                                fectionnés en coton à culottes, c'est-à-dire en tissu plus épais.
                                Cette machine Raymond faisait un beau travail. Ils l'avaient
                                payée le prix d'une vache! Les vaches n'étaient pas de race et
                                ne se vendaient pas très cher; je pense que c'était $25.
                                    Les relations entre nous trois ont changé tranquillement.
                                J'étais plus intime avec ma future belle-soeur qu'avec ma
                                soeur. Les amours de mon frère avec ma belle-soeur, c'est moi
                                qui en avais les confidences! Nous gardions Stéphanie pour
                                les sorties, les soirées, car rien ne la gênait. Pour les veillées,
                                les filles ne sortant pas seules avec les garçons, c'est elle qui
                                embarquait avec les Yerville et elle ramassait les filles qui
                                n'avaient pas de frère ou de cavalier! Tout de même, elle avait
                                beaucoup de qualités et nous l'aimions bien.
                                    Hervé, destiné à hériter de la terre, mais encore trop jeune,
                                a décidé d'aller travajller à Montréal. C'est ainsi que mon
                                frère aîné a laissé sa fromagerie (il n'était pas propriétaire) et
                                est revenu sur la terre. Après un an, mon frère Hervé en a eu
                                assez de la ville et est revenu prendre sa place à la maison.
                                Mon frère le suivant, Euclide, fromager aussi, a marié une
                                fille du Petit Chenail et est allé s'installer à Saint-Guillaume.
                                Il a élevé sa famille là, quatre filles et un garçon. Le suivant,
                                Edgar, a appris aussi à faire le fromage. Avant qu'Euclide se


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