Page 80 - monseigneur
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quand il se faisait tard. Dans les premières années du ma-
riage de mes parents (les jeunes oncles étaient encore à la
maison), ils ont logé un quêteux qui leur a laissé des poux en
souvenir! Dans ce temps-là, il n'y avait aucun remède pour
ça. Ma mère en a eu pour un mois avant de nous débarrasser
de ces parasites; il en avait laissé partout. Quand ma mère
nous racontait ça, elle en faisait encore une colère. Ç'a été
une leçon pour l'avenir.
11 passait aussi des «pedleurs »(pedlars, colporteurs) ; des
Russes, des Syriens et des Juifs, je suppose. Les femmes du
rang, loin des magasins, étaient contentes car ils avaient beau-
coup de petites commodités qu'elles ne trouvaient pas chez
nous. Ils avaient de tout: des aiguilles, des épingles, de l'élas-
tique, de la crème à barbe, du tissu, aussi de la flanellette et
même de la soie. Les femmes tâtaient et marchandaient, tan-
dis que les enfants tournaient autour des valises, très
intéressés! Ceux-là aussi couchaient chez nous. Ils étaient
presque toujours deux et ils baragouinaient assez le français
pour se faire comprendre. C'était du bon monde, eux aussi.
Les gens s'en méfiaient, mais mes grands-parents et mon pè-
re n'étaient pas peureux ni méfiants... mais peut-être impru-
dents. En tous les cas, il n'est jamais arrivé rien de fâcheux.
Ces gens passaient d'abord à pied avec de grosses valises
suspendues sur leurs épaules. Quelques années après, ils reve-
naient en voiture à cheval, et ça n'a pas été long avant qu'ils
reviennent en auto. Il faut croire que c'était payant!
Je me rappelle aussi qu'il est passé un fondeux (fondeur)
de cuillères! C'était un homme du village, on l'appelait le
bonhomme Dorion. Il faisait fondre du plomb dans un moule
en forme de cuillère, et quand c'était froid, ça devait donner
une cuillère! C'est bien vague dans ma mémoire.
Il passait des «trimpes »(tramps. vagabonds) aussi, vêtus
comme les hippies d'aujourd'hui. Nous en avions peur. Ils
n'arrêtaient nulle part, se contentant de regarder partout.
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