Page 47 - monseigneur
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J'ai oublié de mentionner trois petites maisons qui étaient
                                tout près de Sifoi le malcommode. Deux étaient habitées: une
                                par la mère, qu'on appelait la Luce Pedleur, l'autre par Adèle,
                                qu'on appelait La Guédelle. Mais je me trompe, il paraît que
                                c'était Adèle qui était la mère de la Luce. Celle-ci était grosse,
                                elle devait être «hydropique ». Nous n'avons jamais vu ces
                                personnes se déplacer; elles étaient toujours sur leurs perrons,
                                à ne rien faire. L'autre maison voisine était habitée par la
                                veuve Viens. Celle-ci travaillait à la journée, pour se faire
                                vivre et faire vivre son garçon, qui n'était pas fin ; nous l'appe-
                                lions Bilouche. Il n'était pas mauvais mais nous en avions
                                peur. Il passait ses journées nu-pieds sur le bord du chemin, et
                                il faisait des gestes en levant les bras au ciel, comme s'il avait
                                voulu mesurer quelque chose... Nous avions le grain fin (peur)
                                quand il nous fallait passer là à pied et qu'il était près du
                                chemin.
                                    Puis nous arrivons à Abenakis Springs. De l'autre côté de
                                l'hôtel, demeurait le demi-frère de ma mère, Eusèbe Mondou,
                                mon oncle Eusèbe. Il était marié avec une Isaac Desmarais,
                                ma tante Georgine. Le père Isaac, je ne m'en rappelle pas. De
                                mon temps, c'était son garçon Bongusse qui avait la terre
                                 paternelle. Le père Isaac passait pour être en moyens; il prê-
                                tait de l'argent! Mon oncle Eusèbe avait une belle maison de
                                 briques, grande avec 'Jn beau parterre en avant. Il avait une
                                 terre et faisait des affaires! Je pense cependant que, n'étant
                                 pas trop instruit, c'est plutôt ma tante qui en faisait. .. Du côté
                                de la maison qui faisait le coin de la route, elle avait ouvert un
                                 petit magasin, dans une espèce de bas-côté (elle descendait
                                 quelques marches de sa cuisine au magasin). C'était pratique
                                 pour les femmes qui pouvaient s'accommoder (trouver le né-
                                cessaire) là, sans avoir à se rendre au village; c'était à mi-
                                 chemin. Elle vendait de tout et elle n'était jamais pressée.
                                 Quand j'ai été un peu plus âgée, j'ai suivi ma soeur et des
                                 amis, le soir, chez mon oncle, car nous n'avions qu'à traverser


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