Page 50 - monseigneur
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il Yen a assez pour deux! »Joseph trouvait que ça ressemblait
                               à ce qu'Odile lui avait préparé, mais, gêné, je suppose, ce n'est
                               qu'à la fin du dîner qu'il s'est aperçu de la supercherie! Le
                               père Delphis avait bien du plaisir à raconter ça !

                                  Dans ce même bout, il y avait beaucoup de Plamondon,
                              des Cartier et un nommé Maxime Gamelin, que nous appe-
                              lions Ticine. Un seigneur y habitait aussi; c'était encore la
                               mode (régime seigneurial). Les habitants devaient lui payer
                              une rente qui pouvait être en argent ou en marchandise. À ce
                               propos, un Morvan qui n'avait pas froid aux yeux était allé
                               porter une charge de bois de chauffage à ce seigneur. Son suis-
                              se déchargé dans la cour, il s'apprêtait à retourner quand le
                              seigneur est sorti et lui a dit de corder son bois. Le sang du
                               Morvan n'a fait qu'un tour, il a répliqué: «Moi,je vous ai ap-
                               porté votre bois, mais je ne suis pas obligé de le corder! »En
                               même temps, il avait arraché un bâton de son suisse et il le
                              tenait à la main. Le seigneur a demandé à son serviteur:
                               « Penses-tu qu'il va fesser? » La réponse n'a pas été longue:
                              «S'il va fesser ?... »Le seigneur s'est dépêché de rentrer dans
                              sa maison et Morvan de retourner chez lui. C'est peut-être une
                              légende, mais nous étions fiers de ce Morvan, comme s'il avait
                              accompli un grand exploit. Je ne sais pourquoi, mais nous
                              étions orgueilleux de notre nom !
                                  Le rang de la Grande Terre continue avec des Pelletier, des
                              Allard, etc. Avant le village, il y avait encore la côte à Pelletier
                              (Dominique): c'était la côte de Minique Pelletier, un gros
                              homme qui demeurait là. À côté, la veuve Wickmar, qui avait
                              une très belle fille, puis c'était la tannerie du père Matte. Mon
                              père, qui aimait faire des farces, a demandé un jour à M. Mat-
                              te s'il avait du poil. Celui-ci a répondu: «Comme tout le
                              monde, comme tout le monde! ! ! » Ce poil dont mon père
                              parlait était du poil d'animal qu'on ajoutait à la chaux ou au
                              ciment, je ne sais pas...


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