Page 44 - monseigneur
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peu partout. Nous savions toutes les nouvelles du rang. Mes
                               parents recevaient déjà le journal La Presse de Montréal.
                               Dans La Presse. je lisais le feuilleton, un grand roman d'au
                               moins une page! Puis les nouvelles et les activités théâtrales
                               de Montréal.
                                   Près de chez eux, il y avait deux petites maisons un peu
                               plus loin du chemin, habitées par les deux soeurs. Je le sais à
                               présent, mais quand j'étais petite, je n'ai jamais pensé qu'elles
                               étaient soeurs. Une de ces vieilles (pour nous, c'était déjà des
                               vieilles), la Vitaline Chapdelaine, était mariée à un Yerville,
                               mais nous n'avons pas connu son mari, nous, les enfants. Elle
                               vivait avec deux de ses petits·enfants, dont le père, un Bibeau,
                               était mort. Ces enfants: un garçon, Roger, que nous appelions
                               Quéton, et une fille, Yvonne, que les garçons appelaient la
                               Zoune! Pourtant, cette petite fille était jolie et gentille.
                               Quéton était un original: les petits garçons s'amusaient à le
                               faire fâcher. Ces enfants venaient à l'école avec nous. L'autre
                               vieille, Véronique, était mariée à Simon Pépin. Ils n'avaient
                               pas d'enfant et élevaient un des petits-fils de Vitaline, dont les
                               parents étaient aux États-Unis. Il s'appelait Conrad Yerville
                               et était un des camarades de mes frères.
                                   Avant eux (les Lagotte), c'était des Bibeau (les Tanasse )
                               qui habitaient là. C'était des parents de mon grand-père, mais
                               moi, je ne les ai pas connus; excepté un qui demeurait à Pier-
                               reville. Il se nommait Denis, et je pense que c'était le filleul de
                               mon grand-père. Un jour, il était venu avec sa femme et ses
                               enfants. Elle était très jolie et avait un jeune bébé qu'elle nour-
                               rissait. Elle portait un corset serré à la taille avec des goussets
                               qui s'ouvraient pour faire boire le bébé. Je me rappelle que ma
                               mère avait un de ces corsets, mais elle n'avait pas souvent l'oc-
                               casion de le porter.
                                  Je n'oublie pas nos chapeaux de paille, qui étaient faits à la
                               maison avec de la belle paille d'avoine. Ma grand-mère faisait
                               tremper cette paille et la tressait ensuite. Avec ces tresses, ma


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