Page 132 - monseigneur
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blond et avait les cheveux frisés. Sa mère lui faisait des bou-
                             dins (boucles) ; c'était un beau petit garçon. Il y en avait un
                             dans ma classe, fils du commissaire, pas de talent et toujours
                             la morve au nez. II y avait aussi une Ti-Louis Coton (Annie),
                             cachotteuse, et une Noé Bibeau (fille de Noé Bibeau), de la
                             même sorte. Elles devaient toujours être surveillées. Un de
                             mes élèves m'a bien fait enrager: il était très bouché. J'ai
                             bien crié pour lui faire entrer un peu de catéchisme dans la tête
                             pour la première communion. Pour voir jusqu'où ça pouvait
                             aller, je lui ai dit: «Je vais te demander: «Quand Notre-Sei-
                            gneur est ressuscité? » Vas-tu t'en rappeler? »Il m'a répon-
                             du : «Non! »Une cruche!
                                J'ai enseigné aussi à deux de mes frères et à un Verville
                            à peu près du même âge, treize ou quatorze ans. Vraiment,
                            ils étaient mûrs pour laisser l'école! Au bout d'un mois, ils
                            ont abandonné. J'ai enseigné aussi à ma soeur Anita, à une
                            de mes belles-soeurs, la femme d'Euclide, à une amie d'Anita
                            et puis à deux Desmarais. L'une, jeune et jolie fille, a fait une
                            religieuse. Elle était très affectueuse; elle se collait près de
                            moi et me disait: «Chère maîtresse. » Elle est décédée, il y
                            a quelques années. Je ne puis l'oublier. Quant à ma soeur, la
                            plus âgée, j'ai fait pour elle ce que ma cousine avait fait pour
                            moi. Je lui ai passé des livres plus avancés, pour lui permettre
                            de sauver une année au couvent. Pas riches, nous ne devions
                            négliger aucun moyen pour nous sortir de la vie laborieuse de
                            la campagne.
                                Le secrétaire de la paroisse se nommait Z. Baril, avocat et
                            vieux garçon. Il écrivait assez mal que son prénom, nous
                            n'avons jamais pu le déchiffrer, comme le reste d'ailleurs. Il
                            était de stature moyenne, mince, les cheveux blancs déjà,
                            mais il n'avait pas l'air vieux. Il allait porter les avis aux habi-
                            tants, à pied. Il portait des petites bottes françaises. Je ne sais
                            s'il avait cheval et voiture. Je crois que oui. Sa maison, près
                            de l'église, était bâtie proche du chemin, du côté de la rivière.



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