Page 137 - monseigneur
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ces bruits. Ça me faisait penser aux vieux qui nous racon-
                                taient des histoires de chasse-galerie et de loups-garous. L'un
                                nous racontait qu'un de ses ancêtres avait délivré un loup-
                                garou qui le suivait derrière sa voiture, en revenant de veiller.
                                 II suffisait qu'die frappe pour lui faire sortir du sang. Le gars
                                était délivré et son ancêtre a reconnu un homme qu'il connais-
                                sait... Histoire de nos grands-pères, qui nous impressionnait
                                beaucoup. Les canots à lège aussi, il nous semblait les voir
                                filer dans le ciel par ces beaux clairs de lune. Il y avait aussi
                                 une comète, c'est-à-dire une étoile avec une grande queue.
                                Je ne sais combien de temps elle s'est montrée, mais nous la
                                voyions tous les soirs de beau temps. Et puis les mouches à
                                 feu que les garçons capturaient pour les mettre dans des pots
                                de confitures vides; elles battaient des ailes et éclairaient. Et,
                                de temps en temps, une étoile partait en balade, une étoile
                                 filante et nous faisions un souhait! Nous n'étions pas astrono-
                                 mes, mais nous passions des veillées à surveiller le ciel. La
                                Grande Ourse nous impressionnait aussi. N'était-ce pas des
                                temps merveilleux?
                                    Mon frère aîné, gêné comme moi (deux sur une famille de
                                dix !), se lançait de temps en temps, quand nous veillions «en
                                 petits comités ». Il avait beaucoup d'esprit et était bon imita-
                                 teur. Il se moquait de la femme du tailleur du village, quand
                                celle-ci, une grande maigre, faisait son chemin de croix avant
                                 la messe. Il s'étirait les nerfs du cou et commentait les stations
                                en détaillant l'air et l'accoutrement des Juifs sur les images.
                                 De temps en temps, cette femme donnait une tape à une de
                                ses filles qui l'accompagnait et qui était distraite. Du plaisir à
                                 bon marché r
                                    Durant ma vie de jeune fille, nous nous faisions tirer aux
                                cartes par notre voisine, Mme Lagotte. Elle connaissait notre
                                vie aussi bien que nous! Ainsi, elle nous prédisait toutes sortes
                                de choses. Nous y croyions peu, mais nous aimions ça. Dans le
                                temps, on disait que les filles qui n'avaient pas de cavalier


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