Page 133 - monseigneur
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Ses avis, cloués ou collés sur les portes de l'église, étaient illisi-
                                 bles, bien entendu, comme les prescriptions des docteurs.
                                 Quand j'allais chercher ma paye, j'attendais deux mois, seize
                                 piastres, au moins, ça valait la peine! Et il me semblait qu'il
                                 était mal à l'aise de :·10US voir réclamer cet argent! Toujours
                                 sérieux, la conversation n'était pas longue. Il demeurait avec
                                 une fille prolongée; on disait que c'était sa nièce, sérieuse
                                 elle aussi. Des personnages énigmatiques pour nous.
                                     Je note ici que mon mari me parlait d'une de ses tantes, sa
                                 marraine    Émeline, qui    avait enseigné. Cependant, sur
                                 J'extrait de baptême d'Upton, c'était écrit que le père, la
                                 marraine et le parrai:n n'avaient pu signer! ! r D'ailleurs, un
                                 commissaire d'école, du temps que j'allais à l'école, ne pou-
                                 vait pas signer, lui non plus! ! ! Il regardait les cahiers des
                                 élèves mais ne pouvait pas les lire. Cependant, sa femme
                                 était instruite et il a fait instruire ses filles. Au sujet de ses
                                 filles, je me souviens d'une anecdote. Mes parents étaient allés
                                 voir une des filles du commissaire, qui était religieuse à Nico-
                                 Jet. Ils lui donnaient des nouvelles du Petit Chenail. Elle leur
                                 a dit: «Ne me parlez pas des mariages, parlez-moi seulement
                                 des décès... »Mes parents ont trouvé ça fou!
                                     Moi, je continuais à enseigner dans l'île. Quand le Petit
                                 Chenail se faisait un «grand chenail », à l'eau haute du prin-
                                 temps, j'ai eu peur une fois en traversant car il ventait fort.
                                 J'étais debout pour avironner et le vent étendait ma jupe, qui
                                 était à plis, comme une voile! J'avais hâte d'être rendue de
                                 l'autre côté. Je ne savais pas nager et j'étais peureuse! Je
                                 devais faire confiance à la Providence! Dans l'hiver, ma
                                 belle-soeur était encore fille et enseignait, voisin de chez nous,
                                 au Petit Chenail. Son plus jeune frère était encore à la mai-
                                 son; alors, il venait la conduire en voiture et me ramenait,
                                 moi, dans l'île. En passant chez lui, vis-à-vis de chez nous, il
                                 embarquait ses deux petites nièces qui venaient à mon école,
                                 ceci deux fois par jour. Les chemins d'hiver étaient plus ou



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