Page 130 - monseigneur
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autre garçon des États qui avait aussi une petite parenté avec
                             nous. Il se nommait Alfred Joyal. Ce sont mes grands-
                             parents qui débrouillaient ces parentés-là. Celui-ci avait un
                             Kodak! Ce sont les premières photos que nous avons prises
                             avec un appareil photographique. Dans mes archives, je pos-
                             sède les photos de ces deux garçons-là. J os Bellevile disait
                             à mon frère Cyrille:      «Morvan, marie-nous!» Cyrille
                             l'engueulait, le traitait de fou, mais pour une petite campa-
                             gnarde romanesque, même si c'était pour rire, c'était bien
                             intéressant, et ça me fait plaisir encore de rappeler ces sou-
                             vemrs.
                                 Mes débuts dans l'enseignement, à seize ans, sont parmi
                             mes bons souvenirs. J'ai commencé à enseigner dans l'île
                             Saint-Jean, dans le salon de la maison d'un habitant; il n'y
                             avait pas de maison d'école. Je traversais le Petit Chenail en
                             jlat (fond plat) quand il n'était pas à sec. L'hiver, je patau-
                             geais dans la neige jusqu'aux cuisses, dans le bas de la côte,
                             avant d'arriver au chemin de l'île. C'était la première fois
                             qu'il se faisait de l'enseignement dans l'île, car il n'y avait que
                             neuf enfants en âge d'aller à l'école.
                                 L'année suivante, ils avaient construit une école et j'avais
                             onze élèves. Je prenais mon dîner chez une voisine de l'école.
                             De l'autre côté du chemin, habitait un vieil original, qu'on
                             appelait Michel Chat. Je pense que son nom était Château-
                             vieux. Je me rappelle ici que mon futur mari, qui faisait le fro-
                             mage à Thurso, m'avait écrit une lettre, adressée ainsi:
                             « Mlle F. Morvan, institutrice dans l'île Saint-Jean, voisine de
                             Michel Chat»! Bien entendu, il n'a jamais reçu de réponse!
                             (Commençait-il déjà à avoir des idées ?)
                                 Il y avait une famille Despins dans l'île. J'avais quatre
                             enfants de cette famille, trois Sarrasin, deux nièces de ma
                             belle-soeur et peut-être un Desmarais. Cette famille Despins
                             habitait une belle maison, face à la rivière Saint-François.
                             La grand-mère était la deuxième femme du vieux Despins,


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