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SECTION SPÉCIALE : LES CONTES ET LÉGENDES DE L’ONTARIO FRANÇAIS



            « Cette belle simplicité des              « Une université française en Ontario,

            professeurs »                             on l’aura certainement »

            Je me rappelle qu’à Laval presque tous    Le collège du Sacré-Cœur a été un rempart contre l’anglicisation
            mes professeurs étaient des chercheurs. Et   en Ontario. Il a fermé ses portes en 1967 et je sais qu’il y a eu
            ça, ça me frappait. Ces gens-là revenaient   beaucoup de récriminations, beaucoup de protestations. Mais
            puis ils avaient retrouvé quelque chose   ils ont dit : « Le collège du Sacré-Cœur, ça va être l’Université de
            dans leurs enquêtes ou dans leurs         Sudbury, on va avoir le même service qu’on avait au collège du
            recherches.                               Sacré-Cœur ». Je laisse à d’autres de juger si c’est exact; mais je
                                                      sais que, depuis ce temps-là, on a regretté.
            Une chose que j’ai remarquée, c’est que
            les professeurs étaient assez humbles     Mon plus grand souhait, ce serait que tout ce que j’ai aboutisse
            pour questionner les élèves sur la        dans une institution qui puisse s’en servir pour étudier davantage
            tradition orale. Dans nos collèges, jamais   la langue française; que nos contes, nos chansons, nos légendes,
            un professeur n’aurait demandé conseil    nos techniques artisanales servent à la recherche. Et ça, je crois
            à un étudiant. À Laval, j’avais remarqué   que je n’aurais pas perdu mon temps, à empiler des documents
            ça couramment : « Qu’est-ce que vous      sonores ou écrits s’il y avait une relève.
            en pensez? Avez-vous entendu parler
            de ça? Est-ce que dans vos lectures       Une université française en Ontario, ça serait le rêve de plusieurs.
            vous avez rencontré ça? » Je trouvais ça   Je pense que l’idée n’est pas morte. Je crois que ça donnerait une
            renversant et je trouvais ça très édifiant   occasion à nos Franco-Ontariens d’étudier sur place le français. Ce
            de la part de ces professeurs d’université   serait une bénédiction. Quand on parle qu’on ne peut pas ouvrir
            qui daignaient se renseigner auprès des   d’institution universitaire francophone à cause de la finance, ça,
            humbles élèves que nous étions. Alors,    personne n’y croit. Il y aurait moyen de créer une bonne université
            ç’a été une découverte de voir cette belle   francophone qui soit solide, qui sache où elle va et qui aurait des
            simplicité des professeurs et surtout leur   professeurs de qualité; et ça, je pense que le gouvernement de
            sagesse, voir qu’ils avaient fait beaucoup   Toronto, on le lui fait penser de temps en temps.
            de recherches et qu’ils s’abaissaient à
            nous poser des questions. Ça me montrait   Mais qu’elle soit en continuité avec le travail du collège du
            que les vrais savants, au fond, il faut   Sacré-Cœur qui a œuvré pendant plus de cinquante ans et qui a
            qu’ils deviennent humbles, et qu’ils      conservé la fierté à plusieurs Canadiens français. Les jésuites ont
            condescendent et qu’ils acceptent de      fait certainement de gros sacrifices pour maintenir le collège du
            questionner les gens plus humbles qu’eux   Sacré-Cœur et pour inculquer le plus de français possible dans le
            autres.                                   cœur et l’âme des Franco-Ontariens.

            Pour moi, un professeur d’université      Je me rappelle l’article de L’Orignal déchaîné  où on disait que les
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            devait toujours chercher, lire beaucoup   missionnaires démissionnaient. Les jésuites ont été missionnaires
            et réfléchir pour voir si vraiment l’auteur   dans l’Ontario, au point de vue religieux, au point de vue de
            avait raison, s’il ne manquait pas quelque   francisation. Espérons qu’il leur reste encore assez de fierté pour
            chose. Très souvent, je m’apercevais qu’il   encourager ceux qui veulent continuer l’enseignement du français.
            y avait des retouches à faire sur ce qu’on   Il y a un espoir : le collège Boréal. Entre l’université française
            lisait... Je me disais que le professeur   qu’on ouvrira dans sept, huit, dix ans, je pense que le collège
            d’université doit accepter facilement     Boréal a son rôle à jouer et ça serait d’autant plus merveilleux
            d’être corrigé. Et inciter ses élèves à faire   qu’il n’y a pas de jésuites là-dedans. Ce seraient des gens qui
            de la recherche sérieuse et ne pas hésiter   tâcheraient de développer l’esprit français dans ce collège-là en
            à poser une question au professeur,       attendant notre université qui viendra quand je serai mort. Même
            même sur sa technique ou sur les notes    si c’est dans vingt-cinq ans, on l’aura certainement .
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            qu’il a données, parce que c’est son rôle
            d’éclairer les jeunes esprits. C’est comme
            ça que je conçois le rôle du professeur   8  Sudbury, 25 octobre 1989.
                                                      9  Près de vingt-cinq ans plus tard, le 7 septembre 2019, le gouvernement fédéral et
            d’université.                                celui de l’Ontario signaient une entente finançant conjointement l’établissement de
                                                         l’Université de l’Ontario français.

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