Page 17 - Chaînon été 2021_hr - copie
P. 17
SECTION SPÉCIALE : LES CONTES ET LÉGENDES DE L’ONTARIO FRANÇAIS
« Cette belle simplicité des « Une université française en Ontario,
professeurs » on l’aura certainement »
Je me rappelle qu’à Laval presque tous Le collège du Sacré-Cœur a été un rempart contre l’anglicisation
mes professeurs étaient des chercheurs. Et en Ontario. Il a fermé ses portes en 1967 et je sais qu’il y a eu
ça, ça me frappait. Ces gens-là revenaient beaucoup de récriminations, beaucoup de protestations. Mais
puis ils avaient retrouvé quelque chose ils ont dit : « Le collège du Sacré-Cœur, ça va être l’Université de
dans leurs enquêtes ou dans leurs Sudbury, on va avoir le même service qu’on avait au collège du
recherches. Sacré-Cœur ». Je laisse à d’autres de juger si c’est exact; mais je
sais que, depuis ce temps-là, on a regretté.
Une chose que j’ai remarquée, c’est que
les professeurs étaient assez humbles Mon plus grand souhait, ce serait que tout ce que j’ai aboutisse
pour questionner les élèves sur la dans une institution qui puisse s’en servir pour étudier davantage
tradition orale. Dans nos collèges, jamais la langue française; que nos contes, nos chansons, nos légendes,
un professeur n’aurait demandé conseil nos techniques artisanales servent à la recherche. Et ça, je crois
à un étudiant. À Laval, j’avais remarqué que je n’aurais pas perdu mon temps, à empiler des documents
ça couramment : « Qu’est-ce que vous sonores ou écrits s’il y avait une relève.
en pensez? Avez-vous entendu parler
de ça? Est-ce que dans vos lectures Une université française en Ontario, ça serait le rêve de plusieurs.
vous avez rencontré ça? » Je trouvais ça Je pense que l’idée n’est pas morte. Je crois que ça donnerait une
renversant et je trouvais ça très édifiant occasion à nos Franco-Ontariens d’étudier sur place le français. Ce
de la part de ces professeurs d’université serait une bénédiction. Quand on parle qu’on ne peut pas ouvrir
qui daignaient se renseigner auprès des d’institution universitaire francophone à cause de la finance, ça,
humbles élèves que nous étions. Alors, personne n’y croit. Il y aurait moyen de créer une bonne université
ç’a été une découverte de voir cette belle francophone qui soit solide, qui sache où elle va et qui aurait des
simplicité des professeurs et surtout leur professeurs de qualité; et ça, je pense que le gouvernement de
sagesse, voir qu’ils avaient fait beaucoup Toronto, on le lui fait penser de temps en temps.
de recherches et qu’ils s’abaissaient à
nous poser des questions. Ça me montrait Mais qu’elle soit en continuité avec le travail du collège du
que les vrais savants, au fond, il faut Sacré-Cœur qui a œuvré pendant plus de cinquante ans et qui a
qu’ils deviennent humbles, et qu’ils conservé la fierté à plusieurs Canadiens français. Les jésuites ont
condescendent et qu’ils acceptent de fait certainement de gros sacrifices pour maintenir le collège du
questionner les gens plus humbles qu’eux Sacré-Cœur et pour inculquer le plus de français possible dans le
autres. cœur et l’âme des Franco-Ontariens.
Pour moi, un professeur d’université Je me rappelle l’article de L’Orignal déchaîné où on disait que les
8
devait toujours chercher, lire beaucoup missionnaires démissionnaient. Les jésuites ont été missionnaires
et réfléchir pour voir si vraiment l’auteur dans l’Ontario, au point de vue religieux, au point de vue de
avait raison, s’il ne manquait pas quelque francisation. Espérons qu’il leur reste encore assez de fierté pour
chose. Très souvent, je m’apercevais qu’il encourager ceux qui veulent continuer l’enseignement du français.
y avait des retouches à faire sur ce qu’on Il y a un espoir : le collège Boréal. Entre l’université française
lisait... Je me disais que le professeur qu’on ouvrira dans sept, huit, dix ans, je pense que le collège
d’université doit accepter facilement Boréal a son rôle à jouer et ça serait d’autant plus merveilleux
d’être corrigé. Et inciter ses élèves à faire qu’il n’y a pas de jésuites là-dedans. Ce seraient des gens qui
de la recherche sérieuse et ne pas hésiter tâcheraient de développer l’esprit français dans ce collège-là en
à poser une question au professeur, attendant notre université qui viendra quand je serai mort. Même
même sur sa technique ou sur les notes si c’est dans vingt-cinq ans, on l’aura certainement .
9
qu’il a données, parce que c’est son rôle
d’éclairer les jeunes esprits. C’est comme
ça que je conçois le rôle du professeur 8 Sudbury, 25 octobre 1989.
9 Près de vingt-cinq ans plus tard, le 7 septembre 2019, le gouvernement fédéral et
d’université. celui de l’Ontario signaient une entente finançant conjointement l’établissement de
l’Université de l’Ontario français.
LE CHAÎNON, ÉTÉ 2021 15