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SECTION SPÉCIALE : LES CONTES ET LÉGENDES DE L’ONTARIO FRANÇAIS





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                Comme il venait de se faire servir pour la dixième fois,   I’ allé’ à in aut’ méson, i’ d’mandè’ encôr. « La
                dans un autre foyer, la formule consacrée « La faute à   faute à Beaudry tu parl’s d’in affaire! » I di’
                Beaudry », il murmura, exaspéré : « Tu parles d’une     en lui-minme, i’ dit. « Quoi c’c’ést qu’ça veut
                affaire! Je ne comprends pas ce qu’on veut dire! »      dire ? ».
                Après avoir frappé à de nombreuses portes, il arrive    I’ arrive au bout’ du rang, to’hours, p’i’ enn’
                enfin à une petite maison située tout au bout du rang   p’tit’ maison, lâ. I’ arriv’ lâ, p’i’ i’ rent’, p’i’ dit :
                que longeait la voie ferrée. Il frappe à la porte et il   « Vot’ nom ?
                s’enquiert de l’identité de celui qui vient lui ouvrir :   — I’ dit Beaudry !
                « Quel est votre nom, Monsieur?                         — Marié ou célibataire ?
                — Beaudry.                                              — I’ dit, célibataire. »
                — Marié ou célibataire?
                — Célibataire. »                                        Après çâ, qu’i’ a été r’parti de d’là, i’ dit :
                                                                        « Dis-moé pâ’, i’ dit, qu’ça s’rait c’vieux
                En quittant la maison, le curé se demande               garçon-là, i’ di’ » … i’ était pas trop joli.
                intérieurement : « Serait-ce ce vieux garçon qui serait   I’pouvait pas comprend’, l’guiab’ ! quoi ç’
                le père de tous ces enfants? Il ne me semble pas        c’ést qu’ça voulait dir’.
                particulièrement attrayant! »
                Monsieur le Curé était très ennuyé; il ne voyait pas    Ça fait que, lâ, i› avait fini sa vésit’ de
                comment expliquer cette prolifération de familles       paroèsse. I’ avait l’ch’min d’fer qui suivait
                nombreuses. Il achevait sa visite sans avoir obtenu de   l’rang d’in bout’ à l’aut’. Ça fait que l’année
                réponse satisfaisante à sa question.                    suivante, i’ dit : L’année prochain’, j’vâs sa’oèr
                                                                        quoi c’ést qui s’pâsse ; i’ dit, ça a pas d’bon
                Aussi se promit-il :                                    sen, i’ dit, qu’ça s’rait c’Beaudry-lâ. Quoi ça
                L’an prochain, je vais faire en sorte de connaître le   veut dir’ ? »
                fond de la situation. Il est presque impensable que
                Beaudry soit le père de tous ces enfants. « Qu’est-ce   L’année suivante, i’ commenc’ sa vésit’ de
                que cela voudrait dire? »                               paroèss’. Te’hour’, i’ arrive à . . . Comment

                L’année suivante, le curé reprend sa visite de          çâ ? P’is, après çâ, i’ d’mande à ‘a femme,
                paroisse. Il arrive à une maison et il décide de pousser   i’ dit : « Comment ça veut dir’ vous avez tant
                l’interrogation jusqu’au bout. « Comment se fait-il,    d’enfants qu’çâ ? I’ di’, in p’ti’ à tout’s lés an,
                demande-t-il à la mère de famille, que vous ayez        i’ dit, ça a pâs d’sens !
                autant d’enfants? Ça n’a pas de sens de mettre au       — B’en, ‘a dit, c’é’ ‘a faute à Beaudry !
                monde un enfant tous les ans.                           — La faute à Beaudry ! I’ dit, c’ést pas l’vieux
                                                                           garçon, i’ dit, qui ress’ à l’aut’ bout’ du
                — Ah! vous savez, répond-elle résignée, c’est la faute     rang ?
                   à Beaudry.                                           — Ah b’en! ‘a dit, non! ‘A dit, ‘oégnons, mecieu
                — La faute à Beaudry! s’exclama le pasteur. Est-ce que     l’Curé! ‘A dit, savé’, ‘a dit, l’ ch’min d’fer ‘a
                   vous voulez parler du vieux garçon qui demeure à        dit, l’pâssagé’ [passager], écitte, ‘a di’, i’
                   l’autre bout du rang?                                   pâsse à tout’s lés matin, ‘a dit, vers quatre
                — Mais non, voyons! Monsieur le Curé, ce n’est pas de      heure’ et d’mie ; ‘a di’, i’ crie, à tout’s lés
                   lui, mais du train qu’il s’agit. Vous savez qu’il y a la   crossign’ [crossing], à di’, i’ nous réveil!’.
                   voie ferrée qui longe le rang. Tous les matins, vers    P’i’ ‘a dit, là b’en, ‘a dit, c’ést trop d’bonne
                   quatre heures et demie, il y a le train des voyageurs   heur’ pour se l’vé’. ‘A dit c’ést pour ça
                   qui passe ici et qui siffle à tous les passages à       qu’on a tant d’enfants ! »
                   niveau. Il nous réveille toujours, bien avant le
                   moment de notre lever. C’est pour cela que nous
                   avons autant d’enfants. »




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