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NOTRE COMMUNAUTÉ, NOS INSTITUTIONS
des Canadiens français et des Canadiens anglais à
cette époque. Sur le plan local, à titre d’exemple, le
journal The News de L’Orignal rapporte en 1884 la
lutte entre francophones catholiques et anglophones
protestants pour le contrôle de l’administration de
l’école publique. Au bout du compte, les anglophones
établissent en 1886 une école séparée protestante. Le
5 septembre 1950, la commission scolaire de L’Orignal
place cette école sous la régie de la Loi sur les écoles
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séparées . À ces situations conflictuelles, on peut
également ajouter l’opposition qu’ont manifestée, à la
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fin du XIX siècle et au début du XX , les chefs de file,
tant irlandais que francophones, à la coexistence des
deux langues officielles à l’Université d’Ottawa.
Jusqu’en 1885, la majorité des élèves canadiens-
Les élèves de la première école française de Saint-Albert, en 1900. français fréquentent des écoles publiques bilingues.
Source : CRCCF, Collection Centre culturel « La Ste-Famille », Ph83-R171F5. Par la suite, la population scolaire francophone migre
Reproduit de la collection M Armand Quesnel. vers les écoles séparées en raison des politiques
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anti-françaises du gouvernement et des efforts des
évêques catholiques de l’Ontario de regrouper dans
Avant 1850, les élèves francophones de l’Ontario les écoles séparées les enfants catholiques. Certaines
fréquentent l’école publique, puisque les commissions scolaires prennent des mesures nuisibles
communautés franco-ontariennes sont suffisamment à la minorité francophone, particulièrement lors de
homogènes (catholique et française) et que le système l’embauche d’enseignantes et d’enseignants qualifiés
scolaire public est financièrement plus avantageux. pour enseigner le français. Entre 1891 et 1911, le
Cette situation change avec l’urbanisation et la nombre d’écoles séparées bilingues passe de 87 à 223
dilution de l’homogénéité franco-catholique. et, du même coup, celui des écoles publiques bilingues
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passe de 114 à 122 .
La période de 1877 à 1912
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Suite au départ de Ryerson et à la création du À la fin du XIX siècle, le gouvernement ontarien
Department of Education en 1885, le dossier de s’inquiète de la piètre qualité de l’enseignement de
l’éducation relève d’un ministre redevable à l’anglais dans les écoles bilingues d’Ottawa et de
l’Assemblée législative qui doit légiférer en fonction Prescott et Russell. Cette préoccupation s’accentue par
d’une majorité anglophone, influencé par les groupes l’intervention de la presse anglophone de Toronto (The
de pression anglo-protestants et la hiérarchie cléricale Mail), des loges orangistes, de l’Equal Rights Association
gr
anglo-catholique. et de M Fallon, évêque catholique du diocèse de
London. Les inspecteurs imputent cette réalité au
La fin du XIX siècle voit la montée de l’impérialisme personnel enseignant, qui, à cette époque, provenait
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britannique qui affirme la supériorité des institutions surtout du Québec. Ils recommandent aux autorités de
et des valeurs anglo-saxonnes. En contrepartie, mettre en œuvre un programme de perfectionnement
l’idéologie ultramontaine et le nationalisme inspirent de ce personnel.
le clergé et l’élite francophone canadienne. Ces
positions diamétralement opposées engendrent Les possibilités de perfectionnement du personnel
l’incompréhension et l’intolérance ethnique et enseignant des écoles bilingues sont très limitées.
linguistique chaque fois qu’un incident linguistique ou Pour les écoles anglaises, l’École normale de Toronto
une crise politique se produit. ouvre ses portes en 1847 et, l’année suivante, des
écoles modèles anglaises sont implantées dans
La pendaison de Louis Riel en novembre 1885
et l’abolition au Manitoba, en 1890, des écoles 7 Lucien Brault, Histoire des comtés de Prescott et de Russell, Conseil
des Comtés Unis, L’Orignal, 1965, p. 142-145.
confessionnelles accentue la divergence d’opinions 8 Robert Choquette, La foi gardienne de la langue, 1900-1950, Montréal,
Bellarmin, 1987, p. 109.
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