Page 35 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
P. 35
Le ministère des Forêts est en train d'effectuer le reboisement
de ces terres abandonnées. Déjà, des machines y ont plante, en rang
d'oignons, des milliers de sapins minuscules. En voyant cet effort
pour rendre le sol à la forêt, Louis-Philippe se disait :
-C'est bien, il faut aider la nature. Toutefois, cette dernière
y mettrait plus de fantaisie. Gageons qu'elle ne tardera pas à y
introduire son apparente anarchie ! Elle sait protester, elle aussi ...
Tout en remettant sa voiture en marche, il essayait de s'imaginer
ce que sera devenu ce coin de pays dans vingt ans.
Dès qu'il eut quitté la ligne des champs pour s'engager dans
la forêt, il dut redoubler de prudence. Le chemin n'était plus que
deux ornières pleines de feuilles mortes qui cachaient des trous
profonds et des pierres anguleuses. De chaque côté, le boisé avait
été éclairci à l'extrême. II ressemblait à la tête du père Josaphat
Saintonge qui ne porte plus qu'un poil par ci par là ! Les conifères
ont une taille de nains. Les seuls adultes qui se tiennent encore
debout, nus et frileux, sont quelques bouleaux que les insectes ont
épargnés, et des érables squelettiques.
- Ici aussi, il faudra reboiser si l'on veut réparer la bête
imprévoyance des hommes, dit-il tout haut, comme s'il avait un
compagnon.
Après avoir grimpé un monticule abrupt, il atteignit un endroit
plat et complètement déboisé. C'était l'emplacement d'un ancien
camp de bûcherons. Il reste encore, dispersés ici et là, des troncs
équarris qui pourrissent. Il y a quelques années, il lui était arrivé
dans ces parages une aventure qui aurait pu tourner au tragique.
Un jour d'automne, alors qu'il furetait dans les buissons pour lever
le lièvre, il était tombé sur une ourse et ses petits. Comme il n'était
armé que d'un fusil pour la petite chasse, il avait déguerpi sans
demander son reste.
Il décida de laisser là la camionnette et de musarder aux alen-
tours. La forêt Va toujours attiré. Il aime son silence mystérieux,
la senteur des résines, des écorces et des bourgeons, le palpitement
de la vie qui s'y cache. Il n'y vient jamais sans songer à la richesse
qu'elle pourrait procurer à un pays qui en tirerait toutes les ressour-