Page 32 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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de pareils  avortements se comptent par  centaines.  Un  tel  gaspillage
                                d'énergie  et de vaillance le révolte.  Que n'a-t-on  concentré  tous ces
                                efforts à l'accomplissement  d'oeuvres  durables qui, d'éternels  vaincus,
                                auraient fait des conquérants ?
                                    Il fut brusquement  tiré de sa rêverie par le vrombissement d'une
                                automobile  qui  débouchait  du  bois  de  bouleau  qui  vient  lécher  les
                                pieds  de la butte,  du  côté  nord.  À  la  vitesse  de la  voiture  et  A  la
                                poussière  qu'elle  soulève,  il  eut  cette  réflexion  :
                                    -C'est   sûrement  pas  quelqu'un  de  par  icitte.  Peut-être  un
                                journaliste  en  mal  d'articles  à sensation,  ou un curieux  qui veut  voir
                                mourir  un  pays ...
                                    La grosse  Chrysler passa,  sans rakntù, faisant  vibrer  toutes les
                                tôles de la camionnette.  Louis-Philippe  avait reconnu un commerçant
                                de bois  du  pays  voisin.
                                    Après  avoir  jeté  un  dernier  regard  sur  le  panorama,  comme
                                pour  se le graver  dans la  mémoire, il  se remit  en  route.  II  s'engagea
                                dans  le rang  6,  en  direction  de l'ouest.  11  y  a  dix  ans,  on  trouvait
                                dans cette  partie  de la  paroisse  des  terres  prospères  et  des  maisons
                                bien  entretenues.  Aujourd'hui,  ce n'est  que désolation,  comme  si le
                                pays  avait  été ravagé par un  cyclone.  Depuis  qu'il  avait  été question
                                de la  fermeture de  Terre-Hautc,  les  trois  ou  quatre  maisons  encore
                                debout  ont  été  laissées  à  l'abandon.  Il  manque  des  bardeaux  aux
                                toits, des marches  aux escaliers, des madriers au plancher  des véran-
                                das, des  briques  aux cheminées.  Tout  traîne  aux  alentours.
                                    Et,  sa  voiture  roulait  lentement,  au  rythme  de  ses  pensées.
                                    A  certains  moments,  Louis-Philippe  se  demandait  s'il  n'était
                                pas plongé  en  plein  cauchemar.  Jamais,  il  n'avait  perçu  le  désastre
                                avec une  telle  acuité.  Il  était  renversé  à  la  vue  des ruines  étalées  le
                                long du  chemin  :  des fondations  ébréchées par  la  masse  des  dCmo-
                                lisseurs,  et  dont  la  gueule  béante  est  envahie  de  foin  fou,  de  bar-
                                danes et de ieunes  tiges de trembles  ; unc maison  dont  les  écumeurs
                                ont  enlevé portes.  fenêtres et  toiture,  et  qui pend  entre  ciel  et  terre,
                                comme un  squelette ; des lucarnes  arrachées et jetées  péle-mèle  indi-
                                quent  l'emplacement  d'une  maison  descendue  dans  la  plaine  ; un
                                soc  de  charrue  couvert  de  rouille  et  les  dents  menaçantes  d'un
                                râteau à foin  marquent  le site  d'une  grange.
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