Page 30 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Marie  avait  rcpris  son  sourire.  un  sourire  où  restait  accrochée
                                une  effiloche de tristesse.  Sa  robe  noire  I'amincissait,  la  rajeunissait.
                                En la voyant ainsi transformée, Louis-Philippe  eut un geste spontané :
                                il l'embrassa.  Cela ne lui était pas arrivé depuis des mois.  La femme
                                se  dirigea  vers  la  porte  et,  de  la  paume  ds  sa  main  droite,  elle
                                essuya  une  larme échappée  malgré  elle.  Songeur,  il  regarda  la  mère
                               et  le  fils  marcher  c6te  à  côte.  II  remarqua  pour  la  première  fois
                               qu'ils  avaient  la  même démarche.  De  nouveau,  il crut  à la  vie.

                                    II  se  sentit  rassénéré,  et  ses  gestes  devinrent  plus  lents.  Après
                                avoir  préparé  un  casse-croûte.  il  endossa  un  blouson  de  chasse  en
                                niolleton  à  carreaux  rouges  et jaunes.  II  chaussa  ses  bottes  de cuir,
                                puis  alla  prendre  son  fusil  de  calibre  20 accroché au  mur  au-dessus
                               du bahut  en bois  de pin  huilé, ct quelques cartouches dans I'arnioire,
                                sous  le  lavabo.

                                    II  n'rivait  pas  tellement  envie  de  chasser,  mais  tous  ces  gestes
                               quasi  rituels,  il  les  faisait  iristinctivement.  comme  chaque  automne,
                               à i'appcl  de la forét.  Aujourd'hui,  ce qu'il  souhaite  avant  tout,  c'est
                               de se retrouver  seul, sans  nul obstacle entre lui  et les grands espaces
                               du  ciel.


                                    Le  moteur  de  la  camionnette  geignit,  toussota,  puis  démarra
                               dans  un  mugissement  qui  fit  s'envoler  les  moineaux  qui  picoraient
                               les grains  échappés  près  du hangar ; les poules  qui furetaient  autour
                               de  la  grange  levèrent  la  tête  et  s'immobilisèrent,  inquiètes.  Quand
                               la  machine  se  fut  calmée,  Louis-Philippe  mit  en  route.  Rendu  à
                               la  limite  de  sa  terre,  il  prit  la  descente  jusqu'au  rang  4.  Chez
                               Baptiste  Plourde,  la  maison  était  vide.  II  en  conclut  qu'ils  étaient
                               tous descendus dans la  plaine.  Il coiitinua à rouler  vers l'ouest.
                                    Passé I'endroit  où se  trouvait  autrefois la  petite école - l'école
                               de mademoiselle  Horthense comme on l'appelait  à cause de I'institu-
                               trice  qui y avait fait  la classe pendant  vingt  ans - tourna à droite
                                                                             il
                               pour  s'engager  dans  le  chemin  de  traverse  qui  conduit  au  rang  6.
                                    Un  arpent  à  peine  et  la  route  fait  un  crochet  brusque  pour
                               contourner  une  roche  immense  qu'on  croirait  déposée  là  par  un
                               cataclysme.  Après  un  bout  droit  et  planche,  le  chemin  de  terre
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