Page 26 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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La mère de Louis-Philippe était veuve. Après la mort de son
mari, emporté par un mal de poitrine, elle avait dû vendre terre et
roulant pour subvenir aux besoins immédiats de ses quatre enfants.
Quand ils avaient atteint l'âge de s'établir, elle n'avait pu les aider,
comme c'est la coutume dans le pays. D'un autre côté, l'avenir s'an-
nonçait fort sombre pour les jeunes. On était en pleine crise écono-
mique. Dans les églises on prêchait la religion du retour à la terre.
Quelques mois après leur première rencontre - ce devait être
en mai ou en juin : on approchait des vacances d'été - il lui avait
demandé avec un trémolo dans la voix de le recevoir à la maison.
Il devait lui avouer, beaucoup plus tard, qu'il avait longtemps hésité,
craignant une rebuffade qui Veut profondément humilié. 11 savait
que bien peu de garçons du pays avaient tenté L'aventure de courti-
ser les filles d'Alexandre Cormier.
Ils s'étaient vus chaque dimanche durant l'été et le début de
l'automne. À la fin d'octobre, Louis-Philippe était monté aux chan-
tiers dans les foréts de la rivière aux Sarcelles. II était descendu
pour quelques jours aux Fêtes. Ils s'étaient mariés en juillet. Une
semaine après la noce, plus riches de projets et d'espoir que d'argent
sonnant, ils avaient entrepris la longue montée vers Terre-Haute.
Dans le vieux buggy branlant et craquant tiré par un cheval lour-
daud, - un cadeau du père de Marie - ils avaient pu admirer le
paysage tout à loisir.
L'été était en pleine gloire. Marie se rappelle la danse des
papillons d'or entre les feuilles des trembles et des bouleaux, la
route étroite. brune et rocailleuse qui, par endroit, s'accrochait à la
montagne, longeait des précipices. Parfois, le sentier descendait au
fond du ravin pour jouer à cache-cache avec un petit ruisseau qui se
montrait tantôt à droite, tantôt à gauche, disparaissait dans un bou-
quet d'aulnes pour sourdre brusquement à rentrée d'un ponceau.
Ils étaient rendus à mi-chemin quand les jarrets du cheval se
tendirent sous L'effort et les traits se mirent à grincer dans leurs
attaches. La route devenait de plus en plus raide. Ils avaient
l'impression qu'elle allait s'accrocher à la cime des sapins ou se
perdre dans les nuages. Parfois, le chemin se taillait un passage