Page 102 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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-Comme    il  est  déji passé  minuit,  je  ne  pourrai  entendre  vos
                               confessions.  Ensemble, au début de la messe, nous nous confesserons
                               à Dieu.  Le péché,  c'est  dans la  nature de l'homme,  le  pardon  dans
                               celle de Dieu.

                                    Le comité de la fête de Noël avait tout prévu, si bien  que Ti-Jean
                               Poirier  n'eut  pas  à ouvrir  son  sac  de  cuir noir.  La  décoration  était
                               simple : des fougères  de  maison  autour  de l'autel  ; quelques  sapins
                               baumiers  et  des branches  d'if  - que  les  gens  d'ici  appellent  sapin
                               traînard  - apportaient  la beauté et  le parfum  des bois.  On  n'avait
                               pas oublié la crèche symbolique.  C'est  Jules,  le  fils d'Eugène Soucy,
                               qui  i'avait  construite de croûtes de cèdre.  Il avait aussi taillé les per-
                               sonnages,  au  canif,  dans  des  bûches  de  pin  blond  et  odoriférant.
                               Malgré  leur  modelé  grossier  et  leur  port  rigide,  ces  statuettes  rem-
                               plaçaient  avantageusement  les  anciens plâtres  disgracieux.

                                    Jules,  c'est  le bûcheron  un  peu  sauvage, mais  sensible  sous son
                               écorce  rude.  Louis-Philippe  Landry,  qui  le  connaît  bien,  raconte
                               que le soir dans les chantiers, au lieu  de tirer  au poignet  ou de jouer
                               aux  cartes,  il  s'amusait  à  gosser  des  animaux  dans  des  bûchcs  de
                               bois  tendre  arrachées  à  la  pile  de  bois  de  chauffage.  Un  jour,  il
                               avait  sculpté  une  bête  étrange  dans  une  loupe  de  merisier  qu'un
                               compagnon  de  travail  lui  avait  apportée.  C'est  la  seule  pièce  qu'il
                               a  conservée ; il  a  fait  cadeau  de  toutes  les  autres  à  ses  neveux  et
                               nièces.  C'est  pour  Ies  petits  qu'il  avait  accepté  de  tailler  les  per-
                               sonnages  de  Noël.  En  les  admirant,  en  cette  nuit  noyée  dans  le
                               mystère,  bien  des  adultes  avaient  retrouvé  leur  âme  d'enfant.
                                    Dans  ce  lieu  dépouillé  de  tout  artifice,  Marie  se  sentait  plus
                               calme.  Il lui semblait que quelque chose  avait  changé,  quelque chose
                               d'insaisissable.  comme  un  esprit  nouvcau  qui  influence  la  pensée  et
                               le  comportement.  Elle  se disait  :
                                    -Après   tout,  le  plus  beau  temple  dc  Dicu'  c'est  l'âme  des
                               hommes  de bonne  volonté.  S'il  lui faut plus  de  splendeur,  il  y  a  la
                               nature : le toit  en  est  immense  et les  montagnes  lui font  des colon-
                               nes  puissantes.
                                    Quand  elle  revint  sur  terre,  le  prétre  entonnait  l'invocation  :
                               (c  Seigneur  prends  pitié S.  Elle  complétait  mentalement  :  a  Prends
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