Page 99 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Ils  étaient  rendus  à  iun  arpent,  environ,  de  la  salle  paroissiale,
                                   quand la cloche se mit  à sonner le  dernier coup.  Leurs yeux  se diri-
                                   gèrent  instinctivement  vers  le  clocher,  puis  vers  la  porte  de i'église.
                                   Le bronze venait  à peine de se taire, quand  la  lourde porte  s'ouvrit.
                                   Dans la  pénombre,  ils reconnurent la  haute  silhouette  d'Alexis  Bou-
                                   dreau.  C'était donc lui qui avait eu l'idée  de réveiller ainsi un peu du
                                   passé.
                                       Les  différents moyens  utilisés  par  les gens  pour  se rendre  à la
                                   messe  de minuit  rappelaient,  à leur  manière,  quelques-unes  des  éta-
                                   pes  de l'histoire  de Terre-Haute.  II y  avait  plusieurs  automobiles  et
                                   deux  motos-neige,  signe  évident  que  le  progrès  avait  atteint  les
                                   hauteurs.  Des  jeunes  s'étaient  amusés  à  tirer  de  la  poussière  d'un
                                   hangar  le  vieux  traîneau.  plat,  d'autres,  une  carriole.  Après  les
                                   avoir  soigneusement  astiqués,  ils y avaient  attelé  des chevaux lourds
                                   et  lents  employés  en  forêt.  Quelques  paires  de skis  étaient  piquées
                                   dans la neige, près de l'eritrée.  Baptiste Plourde,  qui n'a  pas d'auto,
                                   était venu  en camion.
                                       Quand  Marie  et  Louiis-Philippc entrèrent dans la  salle, presque
                                   toute la paroisse  était  déjà rendue.  On  s'était  installé  au  hasard -
                                   des  cheveux  longs  voisinant  des  cheveux  gris,  des  étudiants  cou-
                                   doyant des bûcherons - sur les  chaises pliantes  dispos6es en  hémi-
                                   cycle devant une table massive en merisier  ondul6.  Cet  autel  impro-
                                   visé  était  recouvert  d'une  nappe  de  lin  qu'avait  tissée,  il  y  a  fort
                                   longtemps, la belle  Léocadie, la femme de Pierre  Babin.  Elle avait
                                   encore  bonne  apparcnce :  elle  n'avait  servi  que  dans  les  grandes
                                   occasions.
                                       A  minuit  moins cinq,  quelques jeunes  vinrent  se placer  face  à
                                   l'assistance  avec  des  insi:ruments  de  musique  fort  profanes,  ceux
                                   qu'ils  emploient pour  animer leurs  danses endiablées : guitarc, man-
                                   doline,  batterie.  Un  autre  dirigera  le  chant.  Pendant  ce  temps,
                                   quelques vieilles  femmes,  le  regard  absent,  égrennent  leur  chapelet,
                                   au rythme du  mouvemeni: de leurs  lèvres pâles.  Assis  sur un  banc,
                                   au fond de la salle, le père  Jean-Baptiste  Savoic somnole, le menton
                                   enfoui dans le poil usé d'un  vieux  manteau  de castor.
                                       Pendant  quelqucs  instants,  Louis-Philippe  observa  ce  groupe
                                   bigarré,  formé  de personnes  aux  mille  facettes  différentes,  mais  si
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