Page 105 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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ne serait pas tellement poli de le laisser parler tout xul ! C'est vrai
qu'on nous a fait peur avec un Dieu terriblement tracassier. Ce
n'est pas ça, le Dieu de l'Évangile.
Eugène Soucy s'était levé le premier. Il dit :
-1 m'est souvent arrivé de parler icitte. quand j'étais maire
de la municipalité et aussi aux réunions des citoyens. Aujourd'hui,
c'est pas pareil. Même si ça doit insulter ma vieille, j'dois vous
dire que je tremble dans mes culottes ! Je ne m'vois pas me lever
pour poser une question au curé Rioux pendant son sermon. J'au-
rais eu peur d'être excommunié drès-là.
Il continua en prenant un air plus sérieux.
-C'est vrai que c'est dur pour nous autres de se faire chasser
de nos terres et de nos maisons. Comme y a pus rien à faire, on
devrait cesser de se plaindre. Après toute, on aura de quoi manger
plein son ventre et personne ne couchera à la bcllc étoile. Vous en
avez jamais vu à Terre-Haute d'aussi misérable que Celui-là dans
la crèche.
Eugène Soucy s'était assis. Son intervention avait impressionné
aussi bien les jeunes que les vieux. On vit ensuite Émérentienne
Babin, vieille fille sans espoir, se lever bmsquement, comme si elle
était poussé par un resssrt.
-Moi, monsieur l'abbé, fit-elle de sa voix flûtée. j'sus scandali-
sée. La religion a tellement changé, qu'on s'y reconnaît plus. Pus
de vèpres, bientôt pus de confession, des messes à la sauvette ... Et
v'la que les prêtres veulent se marier. Ousqu'on s'en va, grand
Dieu ! sus cette erre-là !
11 n'y eut aucune réaction vive quand kmérentiennc présenta
décemment ses fesses sèches à la chaise, mais on sentit passer sur
i'assistance comme un courant d'air glacé. Après l'avoir laissée se
calmer un moment, le prêtre intervint :
-Je vous comprends, ma bonne dame. Ça fait bien des chan-
gements dans les bonnes vieilles habitudes. Vous ne croyez pas
qu'on devrait plutôt se rijouir de cet effort pour nous rapprocher de
l'esprit évangélique ?