Page 101 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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morts avait été entretenui avec plus de soin que jamais, et fleuri
naïvement. Quand il avait constaté que la fin du pays approchait,
Jean-Baptiste Savoie avait demandé en toute simplicité :
-Et nos morts, qu"est<e qu'on va en faire ?
Cette question était le reflet de la pensée de tous les autres.
Il ne restait plus qii'une minute avant le passage à un jour
nouveau, et le prêtre n'était toujours pas là. Une inquiétude gran-
dissante s'appesantissait sur l'assemblée. On le sentait au craquement
des chaises sous les fesses nerveuses, au bruit des pieds raclant le
plancher, au va-et-vient d'Eugène Soucy marchant de sa chaise à la
fenêtre donnant sur la route. Dans un geste contagieux, les têtes
se penchaient vers la gauche pour compter les secondes aux montres
de poignet.
L'aiguille des secondes avait commencé à entamer une nou-
velle journée, quand la lourde porte de la salle s'ouvrit brusquement,
faisant crier ses gonds contractés par le froid. Sur le fond imprécis
de la nuit, la silhouette de l'abbé François Landry se détacha
comme une apparition. ]Derrière lui se tenait un homme trapu et
bedonnant qui portait un sac noir. Tout le monde avait reconnu
Ti-Jean Poirier, l'ancien sacristain de Terre-Haute, maintenant établi
à l'Anse-au-Sable.
Les années de collèg~: et de grand séminaire n'avaient pas chan-
gé le fils de Mathias Lan'dry. Marie observa la démarche lourde et
le gcste brusque du desccndant de terrien. Elle pensait : r C'est le
grand-père Edmond en peinture 8. Avant de s'approcher de la petite
table où la femme d'Alexis Boudreau avait déposé les ornements
sacerdotaux, dont elle aiait accepté la garde depuis le départ du
dernier curé, il s'adressa à l'assemblée devenue immobile et atten-
tive :
-Je regrette d'arriver en retard. Un incident banal : difficulté
de démarrage. Votre ancien sacristain cst fort serviable, mais sa
bagnole ...
Après avoir lancé cette pointe de taquinerie qui illumina d'un
léger sourire le visage de l'assistance, il continua :