Page 96 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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La  nuit  du  24  décembre  était  arrivée  à  pas  feutrés,  envelop-
                              pant  les  hauteurs  d'un  voile  de  mystère.  Tout  était  si  calme  au-
                              dehors, que les longues  colonnes  de fumée blanche  semblaient  figies
                              au faîte des cheminées.  Le  moindre  bruit  kclatait  dans  une  atmos-
                              phère d'airain  et le clair  de lune donnait  aux choses un  reflet bleuté.
                                  Dès  l'instant  où  les  horloges  de  Terre-Haute  marquèrent  onze
                              heures,  dans le  clocher  de l'église  abandonnée,  la cloche  se  réveilla
                              subitement.  Bientôt,  elle  remplissait  l'air  de  notes  métalliques  qui,
                              en  passant.  donnaient  une  ehiquenaude  aux  glaçons  des  larmiers,
                              rebondissaient  sur le versant des toits et  sur le front des  buttes  pour
                              s'en  aller  mourir  dans la  draperie  sombre  des  forêts de  sapins.
                                  Tous  les  habitants  de  la  montagne  s'étaient  immobilisés  de
                              surprise,  suspendant le  geste  commencé,  comme  des  enfants  sur  un
                              manège  de chevaux  de bois  qui  s'arrête  subitement.  Ils  se  deman-
                              daient  par  quel  sortilège  les  choses  mortes  se  réveillaient.  Même
                              dans  les  étables, le  bruit  des  chaînes  dans  les  mangeoires  s'étaient
                              tus,  un  moment.
                                  Depuis  quelques  jours,  l'entrée  en  congé  d'une  jeunesse  turbu-
                              lente avait suscité une résurgence de vie dans la plupart  des maisons
                              de Terre-Haute.  Même  si  parfois  les  parents  manifestaient  quelque
                              agacement,  les  tourne-disques  criaient  sans arrét  des  airs populaires.
                              Là aussi, quelque chose avait changé :  on entendait  moins  de ryth-
                              mes américains  et plus  de chansons  québécoises.
                                  Les  cégépiens  étaient  montés  les  premiers,  dès  le  18 ; le  22
                              avait  marqué  la  fin  du  semestre  pour  les étudiants  du  cours  secon-
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