Page 98 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
P. 98
réchauffé les membres refroidis du vieillard, ses cendres se
mêleront bientôt à celles de l'arbre qu'il aura brûlé; sinistre
et lugubre avertissement, semblable à celui du prêtre catholi-
que à l'entrée du carême: Memenlo, homo, quia pu/vis es,
et in pulverem reverteris.
Le manoir seigneurial, situé entre le tleuve Saint-Laurent
et le promontoire, n'en était séparé que par une vaste cour,
le chemin du roi et le bocage. C'était une bâtisse à un seul
étage, à comble raide, longue de cent pieds, flanquée de
deux ailes de quinze pieds avançant sur la cour principale.
Un fournil, attenant du côté du nord-est à la cuisine, servait
aussi de buanderie. Un petit pavillon contigu à un grand
salon au sud-ouest, donnait quelque régularité à ce manoir
d'ancienne construction canadienne.
Deux autres pavillons au sud-est servaient, l'un de laiterie,
et l'autre d'une seconde buanderie, recouvrant un puits qui
communiquait par un long dalot à la cuisine du logis princi-
pal. Des remises, granges et étables, cinq petits pavillons,
dont trois dans le bocage, un jardin potager au sud-ouest du
manoir, deux vergers, l'un au nord et l'autre au nord-est,
peuvent donner une idée de cette résidence d'un ancien sei-
gneur canadien, que les habitants appelaient le village d'Ha-
berviIle.
De quelque côté qu'un spectateur assis sur la cime du cap
portât ses regards, il n'avait qu'à se louer d'avoir choisi ce
poste élevé, pour peu qu'il aimât les belles scènes qu'offre la
nature sur les bords du Saint-Laurent. S'il baissait la vue,
le petit village, d'une éclatante blancheur, semblait surgir
tout à coup des vertes prairies qui s'étendaient jusqu'aux
rives du fleuve. S'il l'élevait au contraire, un panorama
grandiose se déroulait à ses yeux étonnés: c'était le roi des
fleuves déjà large de sept lieues en cet endroit, et ne ren-
contrant d'obstacle au nord que les Laurentides dont il baigne
les pieds, et que l'œil embrasse, avec tous ses villages, de-
puis le cap Tourmente jusqu'à la Malbaie; c'étaient l'île aux
Oies et l'île aux Grues à l'ouest; en face les Piliers, dont
l'un est désert et aride comme le roc d'Oea de la magicienne
Circé, tandis que l'autre est toujours vert comme l'île de
Calypso; au nord, la batture aux Loups-Marins, de tout temps
si chérie des chasseurs canadiens; enfin les deux villages de
- 99-