Page 103 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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de peine à mettre dans la bonne voie. TI lui fallait pourtant
céder quelquefois des points peu essentiels au salut du cher
oncle, crainte de l'exaspérer. Mais dans les points impor-
tants, il appelait à son secours Blanche, qui était l'idole de
son oncle.
- Comment, mon cher oncle, disait-elle en lui faisant une
caresse, n'êtes-vous pas déjà assez savant, sans empiéter sur
les attributs de notre bon pasteur? Vous triomphez sur tous
les autres points de discussion, ajoutait-elle en regardant
finement le bon curé: soyez donc généreux, et laissez-vous
convaincre sur des points qui sont spécialement du ressort des
ministres de Dieu.
Et comme mon oncle Raoul ne discutait que pom le plaisir
de la controverse, la paix se faisait aussitôt entre les parties
belligérantes.
Ce n'était pas un personnage de minime importance que
mon oncle Raoul; c'était, au contraire, à certains égards, le
personnage le plus important du manoir, depuis qu'il était
retiré de l'armée, car le capitaine, que le service militaire
obligeait à de longues absences, se reposait entièrement sur
lui du soin de ses affaires. Ses occupations étaient certes très
nombreuses: il tenait les livres de recettes et de dépenses de la
famille; il retirait les rentes de la seigneurie, régissait la
ferme, se rendait tous les dimanches à la messe, beau temps
ou mauvais temps, pour y recevoir l'eau bénite en l'absence
du seigneur de la paroisse; et, entre autres menus devoirs
qui lui incombaient, il tenait sur les fonts du baptême tous
les enfants premiers-nés des censitaires de la seigneurie, hon-
neur qui appartenait de droit à son frère aîné, mais dont
celui-ci se déchargeait en faveur de son frère cadet l,
Une petite scène donnera une idée de l'importance de mon
oncle Raoul, dans les occasions solennelles.
1. Malheur au seigneur qui acceptait d'être le parrain d'un seul
des enfants de ses censitaires: il lui fallait ensuite continuer à se
charger de ce fardeau, pour ne point faire de jaloux. L'auteur
se trouvait, le premier jour de l'an, chez un seigneur qui reçut,
après l'office du matin, la visite d'une centaine de ses filleuls.
Le parrain fournissait toute la boisson qui se buvait au festin
du compérage, ainsi que celle que buvait la mère de l'enfant nou-
veau-né, pendant sa maladie, le vin et l'eau-de-vie étant considé-
rés comme un remède infaillible pour les femmes en couche.
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