Page 101 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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marine l'appelaient presque constamment sous les armes.
                                        Ces guerres continuelles dans les forêts, sans autre abri, sui-
                                        vant l'expression énergique des anciens Canadiens, que la
                                        rondeur du ciel, ou la calotte des cieux; ces expéditions de
                                        découvertes, de surprises, contre les Anglais et les sauvages,
                                        pendant les saisons les plus rigoureuses, altéraient bien vite
                                        les plus forts tempéraments.
                                          Au physique, le capitaine d'Haberville était ce que l'on
                                        peut appeler un bel homme. Sa taille au-dessus de la moyen-
                                        ne, mais bien prise, ses traits d'une parfaite régularité, son
                                        teint animé, ses grands yeux noirs qu'il semblait adoucir
                                        à volonté, mais dont peu d'hommes pouvaient soutenir l'éclat
                                        quand il était courroucé, ses manières simples dans leur
                                        élégance, tout cet ensemble lui donnait un aspect remarqua-
                                        ble. Un critique sévère aurait pu, néanmoins, trouver à redire
                                        à ses longs et épais sourcils d'un noir d'ébène.
                                          Au moral, le seigneur d'Haberville possédait toutes les
                                        qualités qui distinguaient les anciens Canadiens de noble
                                        race. Il est vrai aussi que, de ce côté, un moraliste lui aurait
                                        reproché d'être vindicatif: il pardonnait rarement une injure
                                        vraie ou même supposée.
                                          Madame d'Haberville, bonne et sainte femme, âgée de
                                        trente-six ans, entrait dans cette seconde période de beauté
                                        que les hommes préfèrent souvent à celle de la première
                                        jeunesse. Blonde, et de taille moyenne, tous ses traits étaient
                                        empreints d'une douceur angélique. Cette excellente femme
                                        ne semblait occupée que d'un seul objet: celui de faire le
                                        bonheur de tous ceux qui avaient des rapports avec elle.
                                        Les habitants l'appelaient, dans leur langage naïf, la dame
                                        achevée.
                                          Mademoiselle Blanche d'Haberville, moins agee que son
                                        frère Jules, était le portrait vivant de sa mère, mais d'un
                                        caractère plutôt mélancolique que gai. Douée d'une raison
                                        au-dessus de son âge, elle avait un grand ascendant sur son
                                        frère, dont elle réprimait souvent la fougue d'Un seul regard
                                        suppliant.
                                          Cette jeune fille, tout en paraissant concentrée en elle-
                                        même, pouvait faire preuve dans l'occasion d'une énergie
                                        surprenante.
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