Page 97 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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vous de toutes les parties des forêts adjacentes pour concou-
rir à la heauté du paysage. En effet, ormes, érables, bouleaux,
hêtres, épinettes rouges, frênes, merisiers, cèdres, mascoua-
binas, et autres plantes aborigènes qui font le luxe de nos
forêts, formaient une riche tenture sur les aspérités de ce
cap.
Un bocage d'érables séculaires couvrait, dans toute son
étendue, l'espace entre le pied du cap et la voie royale, bor-
dée de chaque côté de deux haies de coudriers et de rosiers
sauvages aux fleurs printanières.
Le premier objet qui attirait subitement les regards du
voyageur arrivant sur le domaine d'Haberville, était un ruis-
seau qui, descendant en cascade à travers les arbres, le long
du versant sud-ouest du promontoire, mêlait ses eaux limpi-
des à celles qui coulaient d'une fontaine à deux cents pieds
plus bas: ce ruisseau, après avoir traversé, en serpentant, une
vaste prairie, allait se perdre dans le fleuve Saint-Laurent.
La fontaine, taillée dans le roc vif et alimentée par l'eau
cristalline qui filtre goutte à goutte à travers les pierres de la
petite montagne, ne laissait rien à désirer aux propriétaires
du domaine pour se rafraîchir pendant les chaleurs de l'été.
Une petite bâtisse blanchie à la chaux, était érigée sur cette
fontaine qu'ombrageaient de grands arbres. Nymphe mo-
Geste, elle semblait vouloir se dérober aux regards sous
l'épais feuillage qui l'entourait. Des sièges, disposés à l'exté-
rieur et au·dedans de cet humble kiosque, des cassots d'écor-
ce de bouleau ployée en forme de cônes et suspendus à la
paroi, semblaient autant d'invitations de la naïade géné-
reuse aux voyageurs altérés par les chaleurs de la canicule.
La cime du cap conserve encore aujourd'hui sa couronne
d'émeraude; le versant, sa verdure pendant les belles saisons
de l'année; mais à peine reste-t-il maintenant cinq érables,
derniers débris du magnifique bocage qui faisait la gloire de
ce paysage pittoresque. Sur les trente-cinq qui semblaient si
vivaces, il y a quarante ans, trente, comme marqués du
sceau de la fatalité, ont succombé un à un, d'année en
année. Ces arbres périssant par étapes sous l'action destruc-
trice du temps, comme les dernières années du possesseur
actuel de ce domaine, semblent présager que sa vie, attachée
à leur existence, s'éteindra avec le dernier vétéran du bo-
cage. Lorsque sera consumée la dernière bûche qui aura
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