Page 100 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
P. 100

-  Merci, mon cher Arché, dit Jules, mais avançons: les
                                   caresses de mes parents dissiperont bien vite ce mouvement
                                   de tristesse.
                                     Arché, qui n'avait jamais visité la campagne pendant la
                                   saison du printemps, demanda ce que signifiaient tous ces
                                   objets de couleur blanche qui se détachaient du fond brun
                                   de chaque érable.
                                     -  Ce sont, dit Jules, les coins que le sucrier 1 enfonce
                                   au-dessous des entailles qu'il fait aux érables pour recevoir
                                   la sève avec laquelle se fait le sucre.
                                     -  Ne dirait-on pas, répondit Arché, que ces troncs d'ar-
                                   bres sont d'immenses tubes hydrauliques avec leurs chante-
                                   pleures prêtes à abreuver une ville populeuse?
                                     Cette remarque fut coupée court par les aboiements fu-
                                   rieux d'un gros chien qui accourait à leur rencontre.
                                     -  Niger! Niger! lui cria Jules.
                                     Le chien s'arrêta tout à coup à cette voix amie; reprit sa
                                   course, flaira son maître pour bien s'assurer de son identité;
                                   et reçut ses caresses avec ce hurlement moitié joyeux, moitié
                                   plaintif, que fait entendre, à défaut de la parole, ce fidèle et
                                   affectueux animal, pour exprimer ce qu'il ressent d'amour.
                                     -  Ah! pauvre Niger! dit Jule:;, je comprends moi par-
                                   faitement ton langage, dont une moitié est un reproche de
                                   t'avoir abandonné pendant si longtemps; et dont l'autre moi-
                                   tié exprime le plaisir que tu as de me revoir, et c'est une
                                   amnistie de mon ingratitude. Pauvre Niger! lorsque je re-
                                   viendrai de mon long voyage, tu n'auras pas même, comme
                                   le chien d'Ulysse, le bonheur de mourir à mes pieds.
                                     Et Jules soupira.
                                     Le lecteur aimera, sans doute, à faire connaissance avec
                                   les personnes qui composaient la famille d'Haberville. Pour
                                   satisfaire un désir si naturel, il 'Cst juste de les introduire sui-
                                   vant leur rang hiérarchique.
                                     Le seigneur d'Haberville avait à peine quarante-cinq ans,
                                   mais il accusait dix bonnes années de plus, tant les fatigues
                                   de la guerre avaient usé sa constitution d'ailleurs si forte et
                                   si robuste: ses devoirs de capitaine d'un détachement de la

                                     1. On appelle ainsi en Canada ceux qui fabriquent le sucre.
                                                       -   101 -
   95   96   97   98   99   100   101   102   103   104   105