Page 263 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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cette saison faisait de la chasse un passe-temps très agréa-
ble, On soupait à sept heures, on se couchait à dix; et les
soirées paraissaient toujours trop courtes, même sans le se-
cours des cartes. 1
Jules, ignorant ce qui s'était passé entre sa sœur et de
Lo~heill sur les rives du Port-Joli, ne laissait pas d'être frap-
pé des accès de tristesse de son ami, sans néanmoins en péné-
tre:r. la cause. A toutes ses questions sur ce sujet, il ne rece-
vait qu'une réponse évasive. Comme il pensa à la fin en
avoir deviné la cause, il crut, un soir qu'ils veillaient seuls
ensemble, devoir aborder franchement la question.
-- J'ai remarqué, mon frère, dit-il, tes accès de mélan-
colie, malgré tes efforts pour nous en cacher la cause. Tu
es i.njuste envers nous, Arché, tu es injuste envers toi-même.
Fort de ta conscience dans l'accomplissement de devoirs aux-
quds un soldat ne peut se soustraire, tu ne dois plus songer
au passé. Tu as rendu, d'ailleurs, d'assez grands services à
toute ma famille en leur sauvant une vie qu'elle devait per-
dre dans le naufrage de l'Auguste, pour être quitte envers
elle; c'est nous, au contraire, qui te devons une dette de re-
connaissance que nous ne pourrons jamais acquitter. Il est
bien naturel que, prévenus d'abord par les rapports de per-
sonnes que les désastres de 1759 avaient réduites à l'indi-
gence et qu'oubliant tes nobles qualités, des amis, même com-
me nous, aigris par le malheur, aient ajouté foi à ces rapports
en\!enimés; mais tu sais qu'une simple explication a suffi
potlr dissiper ces impressions, et te rendre toute notre an-
cienne amitié. Si mon père t'a gardé rancune pendant long-
temps, c'est qu'il est dans sa nature, une fois qu'il se croit
offl~nsé, de ne vouloir prêter l'oreille 'à aucune justification.
1. Les anciens Canadiens, lorsqu'ils étaient en famille, déjeu-
naknt à huit heures. Les dames prenaient du café ou du choco-
lat, les hommes quelques verres de vin blanc avec leurs viandes
pre~;que toujours froides. On dînait à midi; une assiettée de
soupe, un bouilli et une entrée composée soit d'un ragoiit, soit
de viande rôtie sur le gril, formaient ce repas. La broche ne se
mettait que pour le souper, qui avait lieu à sept heures du soir.
Ch~,ngez les noms et c'est la manière de vivre actuelle: le dîner
des anciens est notre goûter, leur souper notre dîner.
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