Page 264 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Il t'a maintenant rendu toute sa tendresse; nos pertes sont
                                   en grande partie réparées, et nous vivons plus tranquilles
                                   sous le gouvernement britannique que sous la domination
                                   française. Nos habitants, autres Cincinnatus, comme dit mon
                                   oncle Raoul, ont échangé le mousquet pour la charrue. Ils
                                   ouvrent de nouvelles terres, et, dans peu d'années, cette sei-
                                   gneurie sera d'un excellent rapport. La petite succession que
                                   j'ai recueillie aidant, nous serons bien vite aussi riches
                                   qu'avant la conquête. Ainsi, mon cher Arché, chasse ces
                                   noires vapeurs qui nous affligent, et reprends ta gaieté d'au-
                                   trefois.
                                     De LocheiII garda longtemps le silence, et répondit après
                                   un effort pénible:
                                     - Impossible, mon frère: la blessure est plus récente que
                                   tu ne le crois, et saignera pendant tout le cours de ma vie,
                                   car tout mon avenir de bonheur est brisé. Mais laissons ce
                                   sujet; j'ai déjà été assez froissé dans mes sentiments les
                                   plus purs: un mot désobligeant de ta bouche ne pourrait
                                   qu'envenimer la plaie.
                                     - Un mot désobligeant de ma bouche, dis-tu, Arché 1
                                   Qu'entends-tu par cela? L'ami, le frère que j'ai quelquefois
                                   offensé par mes railleries, sait très bien que mon cœur n'y
                                   avait aucune part; que j'étais toujours prêt à lui en demander
                                   pardon. Tu secoues la tête avec tristesse 1 Qu'y a-t-il bon
                                   Dieu, que tu ne peux confier à ton ami d'enfance, à ton frè-
                                   re, mon cher Arché? Je n'ai jamais eu, moi, rien de caché
                                   pour toi: tu lisais dans mon âme comme dans la tienne, et
                                   tu paraissais me rendre le réciproque. Tu semblais aussi
                                   n'avoir aucun secret pour moi. Malédiction sur les événe-
                                   ments qui ont pu refroidir ton amitié 1
                                     - Arrête, s'écria Arché; arrête, mon frère, il est temps 1
                                   Quelque pénibles que soient mes confidences, je dois tout
                                   avouer plutôt que ôe m'exposer à des soupçons qui, venant
                                   de toi, ~e seraient tr~~ cruels. Je vais te parIe~ à cœur ou-
                                   vert, malS à la condition expresse que, Juge lIDpartial, tu
                                   m'écouteras jusqu'à la fin sans m'interrompre. Demain, de-
                                   main seulement, nous reviendrons sur ce pénible sujet; jus-
                                   que-là, promets-moi de garder secret ce que je vais te con-
                                   fier.
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