Page 205 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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- Priez pour moi, madame, j'en ai besoin 1 dit Arché.
- C'est ce que je fais tous les jours, repartit la religieuse.
On dit, peut-être à tort, que les gens du monde ont plus
besoin de prières que nous, et surtout les jeunes officiers;
quant à vous, de Locheill, vous auriez donc bien changé si
vous n'êtes pas de ceux qui en ont le moins besoin, ajouta
la supérieure en souriant avec bonté. Adieu, encore une
fois; que le bon Dieu vous bénisse, mon fils.
Ce ne fut que quinze jours après cette visite que de Lo-
cheill se présenta de nouveau à l'hospice, où Jules, que la
supérieure avait satisfait par les explications qu'elle lui avait
données, l'attendait avec une anxiété nerveuse pour lui prou-
ver qu'il n'éprouvait aucun autre sentiment que celui de
l'affection dont il lui avait jadis donné tant de preuves. On
convint de ne faire aucune allusion à certains événements,
comme sujet d'entretien trop pénible pour tous deux.
Lorsque de Locheill entra dans la petite chambre qu'oc-
cupait Jules en sa qualité de neveu de la supérieure, par
préférence à d'autres officiers de plus haut grade, Jules lui
tendit les bras, et fit un effort inutile pour se lever du fau-
teuil où il était assis. Arché se jeta dans ses bras, et ils
furent longtemps tous deux sans prononcer une parole.
D'Haberville, après un grand effort pour maîtriser son émo-
tion, rompit le premier le silence:
- Les moments sont précieux, mon cher Arché, et il m'im-
porte beaucoup de soulever, s'il est possible, le voile de
l'avenir. Nous ne sommes plus des enfants; nous sommes des
soldats combattant sous de glorieux étendards, frères d'affec-
tion, mais ennemis sur les champs de bataille. J'ai vieilli de
dix ans pendant ma maladie: je ne suis elus ce jeune fou
au cœur brisé, qui se ruait sur les bataIllons ennemis en
implorant la mort; non, mon cher frère, vivons plutôt pour
voir de meilleurs jours: ce sont là tes dernières paroles,
et elles me font espérer des temps plus heureux pour ceux
qui n'ont jamais cessé d'être frères par le sentiment.
Tu connais comme moi, continua Jules, l'état précaire de
cette colonie: tout dépend d'un coup de dé. Si la France nous
abandonne à nos propres ressources, comme il y a tout lieu
de le croire, et si d'un autre côté vos ministres qui attachent
un si grand prix à la conquête de cette contrée, vous en-
voient du secours au printemps, il faudra de toute nécessité
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