Page 203 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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blessures mortelles; il n'omit rien, et n'ajouta rien à sa
défense. En mettant à nu les émotions cruelles de son âme,
en peignant l'orage des passions qui avait grondé dans son
sein pendant ces fatales journées, de Locheill n'avait rien
à ajouter pour sa justification devant un tel juge. Quel plai-
doyer pouvait être, en effet, plus éloquent que le récit fidèle
de tout ce qui avait agité son âme 1 Quel plaidoyer plus
éloquent que le récit simple et sans fard des mouvements
d'indignation qui torturent une grande âme, obligée d'exé-
cuter les ordres cruels d'un chef féroce, mort à tous senti-
ments d'humanité! De Locheill, sans même s'en douter, était
sublime d'éloquence en plaidant sa cause devant cette noble
dame, qui était à la hauteur de ses sentiments.
Elle était bien à la hauteur de ses sentiments, celle qui
avait dit un jour à son frère le capitaine d'Haberville:
c Mon frère, vous n'avez pas déjà trop de biens pour sou-
e tenir dignement l'honneur de notre maison, sans partager
e avec moi le patrimoine de mon père; j'entre demain dans
e un couvent; et voici l'acte de renonciation que j'ai fait en
e votre faveur. ,.
La bonne supérieure l'avait écouté avec une émotion tou-
jours croissante; elle joignit les mains, et les tendit supplian-
tes vers le jeune Ecossais, lorsqu'il répéta ses malédictions,
ses imprécations, ses projets de vengeance contre Montgome-
ry. Les larmes coulèrent abondamment de ses yeux, lorsque de
Locheill, prisonnier des sauvages et voué à une mort atroce,
rentra en lui-même, se courba sous la main de Dieu et se
prépara à la mort d'un chrétien repentant; et elle éleva ses
mains vers le ciel pour lui témoigner sa reconnaissance.
- Mon cher Arché, dit la sainte femme...
- Ah 1 merci! cent fois merci! madame, de ces bonnes
paroles, s'écria de Locheill en joignant les mains.
- Mon cher Arché, reprit la religieuse, je vous absous
moi de tout mon cœur; vous avez rempli les devoirs souvent
pénibles du soldat, en exécutant les ordres de votre supérieur;
votre dévouement à notre famille vous eût perdu sans ressour-
ce, sans empêèher la ruine de mon frère; oui, je vous absous
moi, mais j'espère que vous pardonnerez maintenant de même
à votre ennemi.
- Mon ennemi, madame, ou plutôt celui qui le fut jadis,
a eu à solliciter son pardon de Celui qui nous jugera tous.
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