Page 204 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
P. 204

Il se déroba un des premiers par la fuite au champ de ba-
                                   taille qui nous a éte si funeste; un coup de feu l'étendit
                                   blessé à mort sur un monceau de glace; il n'a pas même
                                   eu une pierre pour y appuyer sa tête; le tomahawk a mis
                                   fin à ses souffrances, et sa chevelure sanglante pend main-
                                   tenant à la ceinture d'un Abénaquis. Que Dieu lui pardonne,
                                   continua Arché en élevant les mains, comme je le fais du
                                   plus profond de mon cœur 1 (h)
                                     Un rayon de joie illumina le visage de la supérieure; née
                                   vindicative comme son frère le capitaine d'Haberville, une
                                   religion toute d'amour et de charité, en domptant chez elle
                                   la nature, n'avait laissé dans son cœur qu'amour et charité
                                   envers tous les hommes. Elle parut prier pendant un instant,
                                   et reprit ensuite:
                                     - J'ai tout lieu de croire qu'il sera facile de vous récon-
                                   cilier avec Jules. Il a été aux portes de la mort; et, pendant
                                   son délire, il prononçait sans cesse votre nom, parfois en
                                   vous apostrophant d'une voix menaçante, vous adressant les
                                   reproches les plus sanglants, mais, le plus souvent, paraissant
                                   converser avec vous de la manière la plus affectueuse.
                                     Il faut connaître mon neveu, pour juger du culte qu'il
                                   vous portait; il faut connaître cette belle âme toute d'abné-
                                   gation, pour comprendre son amour pour vous, et ce qu'il
                                   aurait été capable d'entreprendre afin de vous le prouver.
                                   Combien de fois m'a-t-il dit: c J'aime les hommes, je suis tou-
                                   jours prêt à leur rendre service; mais, s'il fallait demain faire
                                   à mon frère Arché le sacrifice de ma vie, je mourrais, le
                                   sourire sur les lèvres, car je lui aurais donné la seule preuve
                                   de mon affection qui fût digne de lui lt. De pareils sentiments
                                   ne s'éteignent pas soudain dans un noble cœur comme celui
                                   de mon neveu, sans des efforts surhumains. Il sera heureux,
                                   au contraire, d'entendre votre justification de ma bouche;
                                   et soyez sûr, mon cher Arché, que je n'épargnerai rien de
                                   ce qui pourra amener une réconciliation avec votre frère.
                                   Il n'a jamais prononcé votre nom depuis sa convalescence;
                                   et comme il est encore trop faible pour l'entretenir d'un
                                   sujet qui pourrait lui causer une émotion dangereuse, j'atten-
                                   drai qu'il ait repris plus de force, et j'espère vous donner
                                   de bonnes nouvelles à notre prochaine entrevue. En atten-
                                   dant, adieu jusqu'au revoir: des devoirs indispensables m'obli-
                                   gent de vous quitter.
                                                       -  205-
   199   200   201   202   203   204   205   206   207   208   209