Page 183 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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il secoua d'un air indifférent les cendres de la partie du casse-
tête qui servait de pipe aux Français aussi bien qu'aux sau-
vages dans leurs guerres de découvertes. Quoique le premier
mouvement hostile de Dumais n'eût point échappé à l'œil de
lynx de son compagnon, il n'en continua pas moins à fumer
tranquillement.
Les paroles de Dumais, lorsque de Locheill l'avait recon-
nu, avaient fait renaître l'espérance dans son âme; et il se
rattachait à cette vie dont il avait d'abord fait le sacrifice
avec résignation, en bon chrétien et en homme courageux.
Malgré les remords cuisants qui lui déchiraient le cœur, il
était bien jeune pour faire sans regret ses adieux à la vie et
à tout ce qu'il avait de plus cher au monde. Pouvait-il sans
amertume renoncer à la brillante carrière des armes qui
avait illustré un si grand nombre de ses ancêtres? Pouvait-
il, lui le dernier de sa race, enfouir sans regret dans la
tombe le blason taché des Cameron de LocheiIl ? Pouvait-il
faire sans regret ses adieux à la vie, en pensant qu'il laisse-
rait la famille d'Haberville sous l'impression qu'elle avait
réchauffé une vipère dans son sein; en pensant que son nom
ne serait prononcé qu'avec horreur par les seuls amis sin-
cères qu'il eût au monde; en pensant au désespoir de Jules
et aux imprécations de l'implacable capitaine; à la douceur
muette de cette bonne et sainte femme qui l'appelait son fils,
et de cette belle et douce jeune fille qui l'appelait jadis son
frère, et à laquelle il avait espéré donner un jour un nom plus
tendre? Arché était donc bien jeune pour mourir. En ressai-
sissant la vie, il pouvait encore tout réparer, et une lueur
d'espérance ranima son cœur.
De Locheill, encouragé par les paroles de Dumais, avait
suivi, avec une anxiété toujours croissante, la scène qui se
passait devant lui. Ignorant l'idiome indien, il s'efforçait de
saisir, à l'expression de leurs traits, le sens des paroles des
interlocuteurs. Quoique la nuit fût un peu sombre, il n'avait
rien perdu des regards haineux et méprisants que lui lan-
çaient les sauvages, dont les yeux brillaient d'une lumière
phosphorescente, comme ceux du chat-tigre. Connaissant
la férocité des sauvages sous l'influence de l'alcool, il ne vit
pas sans surprise Dumais leur passer le flacon; mais, quand
il vit l'un d'eux s'abstenir de boire et l'autre étendu mort-
ivre sur le sable, il comprit la tactique de son libérateur pour
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