Page 165 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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avec son ami Jules et sa sœur pendant leurs vacances. Il se
rappelait, avec douleur, l'empressement, la joie de ces bon-
nes gens si heureux des visites de leurs jeunes seigneurs et de
leurs amis. A leur arrivée, la mère Dupont et ses filles cou-
raient à la laiterie, au jardin, à l'étable, chercher les œufs, le
beurre, la crème, le persil, le cerfeuil, pour faire les crêpes
et les omelettes aux fines herbes. Le père Dupont et ses
fils s'empressaient de dételer les chevaux, de les mener à
l'écurie et de leur donner une large portion d'avoine. Tandis
que la mère Dupont préparait le repas, les jeunes gens fai-
saient un bout de toilette; on improvisait un bal, et l'on
sautait au son du violon, le plus souvent à trois cordes qu'à
quatre, qui grinçait sous l'archet du vieux sergent. Jules,
malgré les remontrances de sa sœur, mettait tout sens dessus
dessous dans la maison, faisait endiabler tout le monde, ôtait
la poêle à frire des mains de la mère Dupont, l'emmenait
à bras-le-corps danser un menuet avec lui, malgré les efforts
de la vieille pour s'y soustraire, vu son absence de toilette
convenable; et ces braves gens, riant aux éclats, trouvaient
qu'on ne faisait jamais assez de vacarme.
De Locheill repassait toutes ces choses dans l'amertume de
son âme, et une sueur froide coulait de tout son corps, lors-
qu'il ordonna d'incendier cette demeure si hospitalière dans
des temps plus heureux.
La presque totalité des habitations de la première con-
cession de la paroisse de Saint-Jean-Port-Joli avait été ré-
duite en cendres, et l'ordre d'arrêter la dévastation n'arri-
vait pourtant pas. Parvenu, au soleil couchant, à la petite
rivière Port-Joli, à quelques arpents du domaine d'Haberville,
de Locheill fit faire halte à sa troupe. Il monta sur la côte
du même nom que la rivière, et là, à la vue du manoir et de
ses vastes dépendances, il attendit; il attendit comme un cri-
minel qui, sur l'échafaud, espère jusqu'au dernier moment
voir accourir un messager de miséricorde avec un sursis
d'exécution. Il contempla, le cœur gros de souvenirs, cette
demeure où pendant dix ans il avait été accueilli comme
l'enfant de la maison; où, pauvre orphelin proscrit et exilé,
il avait retrouvé une autre famille. Il contemplait avec tris-
tesse ce hameau silencieux qu'il avait vu si vivant et si ani-
mé avant son départ pour l'Europe. Quelques pigeons, qui
voltigeaient au-dessus des bâtisses, où ils se reposaient de
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