Page 164 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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- Vous êtes un bon et brave jeune homme 1 s'écria le
vieillard: si vous étiez catholique, je vous donnerais ma béné-
diction; mais, merci, cent fois merci! (a)
- Je suis catholique, dit de Locheill.
Le vieillard se souleva de sa couche avec peine, éleva ses
yeux vers le ciel, étendit les deux mains sur Arché, qui baissa
la tête, et s'écria.
- Que le bon Dieu vous bénisse pour cet acte d'humani-
té 1 Qu'au jour des grandes afflictions, lorsque vous implo-
rerez la miséricorde divine, Dieu vous tienne compte de votre
compassion pour vos ennemis, et qu'il veuille bien vous
exaucer! Dites-lui alors avec confiance, dans les grandes
épreuves: j'ai été béni par un vieillard moribond, mon enne-
mi 1
Les soldats transportèrent, à la hâte, le vieillard et son lit
à l'entrée d'un bois adjacent; et de Locheill eut la satisfac-
tion, lorsqu'il reprit sa marche, de voir un petit garçon, monté
sur un jeune cheval fougueux, qui brûlait l'espace devant
lui. Il respira plus librement.
L'œuvre de destruction continuait toujours; mais Arché
avait de temps à autre la consolation, lorsqu'il arrivait sur
une éminence qui commandait une certaine étendue de ter-
rain, de voir les femmes, les vieillards et les enfants, chargés
de ce qu'ils avaient de plus précieux, se réfugier dans les
bois circonvoisins. S'il était touché jusqu'aux larmes de leurs
malheurs, il se réjouissait intérieurement d'avoir fait tout en
son pouvoir pour adoucir les pertes de ces infortunés.
Toutes habitations et leurs dépendances d'une partie de la
Rivière-Ouelle, des paroisses de Sainte-Anne et de Saint-
Roch, le long du fleuve Saint-Laurent, n'offraient déjà plus
que des ruines fumantes, et l'ordre n'arrivait point de sus-
pendre cette œuvre diabolique de dévastation. De Locheill
voyait, au contraire, de temps à autre, la division de son
supérieur, qui suivait à une petite distance, s'arrêter subite-
ment sur un terrain élevé, pour permettre, sans doute, à son
commandant de savourer les fruits de son ordre barbare. Il
lui semblait entendre quelquefois ses éclats de rire féroces à
la vue de tant d'infortunes.
La première maison de Saint-Jean-Port-Joli était celle d'un
riche habitant, sergent dans la compagnie du capitaine d'Ha-
berville, où de Locheill avait été fréquemment collationner
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