Page 161 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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saluaient par leur gai ramage la venue du printemps de l'an-
née mil sept cent cinquante-neuf. Tout souriait dans la natu-
re; l'homme seul paraissait triste et abattu; et le laboureur,
regagnant ses foyers sur la brune, ne faisait plus entendre
sa joyeuse chanson, parce que la plus grande partie des
terres étaient en friche, faute de bras pour les cultiver. Un
voile sombre couvrait toute la surface de la Nouvelle-France,
car la mère patrie, en vraie marâtre, avait abandonné ses
enfants canadiens. Livré à ses propres ressources, le gouver-
nement avait appelé sous les armes tous les hommes valides
pour la défense de la colonie, menacée d'une invasion for-
midable. Les Anglais avaient fait des préparatifs immenses;
et leur flotte, forte de vingt vaisseaux de ligne, de dix fré-
gates, de dix-huit bâtiments plus petits, joints à un grand
nombre d'autres, et portant dix-huit mille hommes, remontait
les eaux du Saint-Laurent sous les ordres du général Wolfe,
tandis que deux armées de terre encore plus nombreuses
devaient opérer leur jonction sous les murs mêmes de la
capitale de la Nouvelle-France.
Toute la population valide du Canada avait noblement
répondu à l'appel de la patrie en danger: il ne restait dans
les campagnes que les femmes, les enfants, les vieillards et
les infirmes. Suffira-t-il aux Canadiens de se rappeler leurs
exploits passés, leur victoire si glorieuse de Carillon, l'an·
née précédente, pour résister à une armée aussi nombreuse
que toute la population de la Nouvelle-France, les femmes,
les vieillards et les enfants compris? Leur suffira-t-il de leur
bravoure à toute épreuve pour repousser avec des forces si
inégales un ennemi acharné à la perte de leur colonie?
Vous avez été longtemps méconnus, mes anciens frères du
Canada 1 Vous avez été indignement calomniés. Honneur à
ceux qui ont réhabilité votre mémoire 1 Honneur, cent fois
honneur à notre compatriote, M. Garneau, qui a déchiré le
voile qui couvrait vos exploits! Honte à nous, qui, au lieu
de fouiller les anciennes chroniques si glorieuses pour notre
race, nous contentions de baisser la tête sous le reproche
humiliant de peuple conquis qu'on nous jetait à la face à
!.lut propos! Honte à nous, qui étions presque humiliés
Li ètre Canadiens! Confus d'ignorer l'histoire des Assyriens,
des Mèdes et des Perses, celle de notre pays était jadis lettre
close pour nous.
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