Page 133 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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-  J'ai promis, comme vous savez, au bon gentilhomme,
                                        d'aller coucher chez lui avant mon départ pour l'Europe; je
                                        serai de retour demain au matin pour déjeuner avec vous.
                                          Ce disant, il prit son fusil, et s'achemina vers la forêt, tant
                                        pour chasser que pour abréger la route.
                                          Monsieur d'Egmont, que tout le monde appelait c le bon
                                       gentilhomme ", habitait une maisonnette située sur ]a rivière
                                       des Trois-Saumons, à environ trois quarts de lieue du manoir.
                                       Il vivait là avec un fidèle domestique qui avait partagé sa
                                       bonne et sa mauvaise fortune. André Francœur était du même
                                       âge que son maître, et son frère de lait; compagnon des jeux
                                       de son enfance, plutôt son ami, son confident, que son valet
                                       de chambre dans un âge plus avancé, André Francœur
                                       avait trouvé aussi naturel de s'attacher à lui lorsque la main
                                       de fer du malheur l'eut étreint, que lorsqu'en ses jours pros-
                                       pères, il le suivait dans ses parties de plaisir, et recevait les
                                       cadeaux dont le comblait sans cesse son bon et généreux
                                       maître.
                                         Le bon gentilhomme et son domestique vivaient alors
                                       d'une petite rente, produit d'un capital qu'ils avaient mis en
                                       commun. On pouvait même dire que les épargnes du valet sur-
                                       passaient celles du maître, provenant d'une petite pension
                                       alimentaire que lui faisait sa famille lorsqu'il vivait en France.
                                       Etait-ce bien honorable à monsieur d'Egmont de vivre en par-
                                       tie des épargnes de Francœur? chacun répondra non; mais
                                       le bon gentilhomme raisonnait autrement:
                                         -  J'ai été riche autrefois, j'ai dépensé la plus grande partie
                                       de ma fortune à obliger mes amis, j'ai répandu mes bienfaits
                                       sur tous les hommes indifféremment, et mes nobles amis ne
                                       m'ont payé que d'ingratitude, André seul s'est montré recon-
                                       naissant; André seul m'a prouvé qu'il avait un noble cœur:
                                       je puis donc, sans manquer à la délicatesse, associer ma for-
                                       tune à la sienne, comme je l'eusse fait avec un homme de
                                       mon rang, s'il s'en fût trouvé un seul, un seul assez généreux
                                       pour imiter mon valet; d'ailleurs, au dernier vivant la succes-
                                       sion.
                                         Lorsque Jules arriva, le bon gentilhomme était occupé à
                                       sarcler un carré de laitues dans son jardin. Tout à sa besogne,
                                       il ne vit point son jeune ami, qui, appuyé sur l'enclos, le
                                       contemplait en silence en écoutant son monologue.
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