Page 112 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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de l'éveiller, en se levant lui-même. S'armant ensuite d'une
serviette trempée dans de l'eau glacée, il entra dans la cham-
bre de son ami, et commença sa toilette du matin en lui
lavant brusquement le visage. Mais, comme Arché, malgré
ses dispositions aquatiques, ne goûtait que bien peu cette
prévenance par trop officieuse, il lui arracha des mains l'ins-
trument de torture, en fit un rouleau, qu'il lui lança à la
tête; et, se retournant de côté, il se préparait à reprendre
son sommeil quand Jules, passant aussitôt au pied du lit, lui
arracha toutes ses couvertures. Force fut à la citadelle, réduite
à cette extrémité, de se rendre à discrétion, mais, comme la
garnison dans la personne d'Arché était plus forte que les
assiégeants dans celle de Jules, de Locheill le secoua forte-
ment en lui demandant avec humeur si c'était la nuit que
l'on ne dormait point au manoir d'HaberviIle. Il aIlait même
finir par l'expulser hors des remparts, lorsque Jules, qui,
tout en se débattant entre les bras puissants de son adver-
saire, n'en riait pas moins aux éclats, le pria de vouloir bien
l'écouter un peu, avant de lui infliger une punition si humi-
liante pour un soldat futur de l'armée française.
- Qu'as-tu à dire pour ta justification, gamin incorri-
gible, dit Arché maintenant complètement réveillé; n'est-ce
pas suffisant de me faire endiabler pendant le jour, sans venir
me tourmenter la nuit?
- Je suis fâché, vraiment, dit Jules, d'avoir interrompu
ton sommeil; mais, comme nos gens ont un autre mai à
planter à un calvaire, chez Bélanger 1 de la croix, à une bonne
demi-lieue d'ici, il est entendu que celui de mon père lui sera
présenté à six heures du matin; et, si tu ne veux rien perdre
de cette intéressante cérémonie, il est temps de t'habiller.
Je t'avoue que je crois tout le monde comme moi, aimant
tout ce qui nous rapproche de nos bons habitants: je ne
connais rien de plus touchant que cette fraternité qui existe
entre mon père et ses censitaires, entre notre famille et ces
braves gens. D'ailleurs, comme frère d'adoption, tu auras ton
1. Bélanger de la croix, ainsi nommé à l'occasion d'un cal-
vaire situé devant sa porte. Ces sortes de surnoms sont encore
très communs dans nos campagnes, et sont donnés le plus souvent
pour distinguer un membre d'une famille des autres membres du
même nom.
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