Page 110 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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- Tu comprends, dit Jules, que s'il leur fallait les apprêts
de nos maisons, les femmes d'habitants, étant pour la plu-
part privées de servantes, seraient bien vite obligées de res-
treindre leur hospitalité, ou même d'y mettre fin; mais il n'en
est pas ainsi: elles jouissent même de la société sans guère
plus de trouble que leurs maris 1. La recette en est bien sim-
ple: elles font cuire de temps il autre, dans leurs mOments
de loisir, deux ou trois fournées de différente; espèces de
viandes, qu'elles n'ont aucune pein:: fi conserver dans cel
état, vu la rigueur de la saison. Arrive-t-i1 des visites, il ne
s'agit alors que de faire réchauffer les comestihles sur leurs
poêles toujours chauds à faire rôtir un bœuf pendant cette
époque de l'année: les habitant; détestent les viandes froides.
C'est un vrai plaisir, ajouta Jules, de voir nos Canadiennes,
toujours si gaies, préparer ces repas improvisés: de les voir
toujours sur un pied ou sur l'autre. tout en fredonnant une
chanson, ou se mêlant à la conversation, courir de la table
qu'elles dressent à leurs viandes qui menacent de brüler, et,
dans un tour de main, remédier à tout; de voir Josephte
s'asseoir avec les convives, se lever vingt fois pendant le
repas, s'il est nécessaire pour les servir. chanter sa chanson,
et finir par s'amuser autant que les autres~.
Tu me diras, sans doute, que ces viande; réchauffées per-
dent beaucoup de leur acabit: d'accord pour nous qui som-
mes habitués à vivre d'une manière différente: mais comme
l'habitude est une seconde nature, nos habitants n'y regardent
pas de si près; et, comme leur goût n'est pa; vicié comme le
nôtre, je suis certain que leurs repas, arrosés de quelques
coups d'eau-de-vie, ne leur laissent rien il env ier d~: ,.-ôté
de la bonne chère. Mais, comme nous auron; à revcnir sur
ce sujet, allons maintenant rejoindre mes parents qui doivent
déjà s'impatienter de notre absence, que je considère commc
autant de temps dérobé à leur tendrc;se. J'ai cru te faire
1. Les femmes de cultivateurs avaient rarement des s~rvantel
autrefois: elles en ont souvent de nos jours.
2, Iosephte, sobriquet que les gens de villes donnent diX l'cm
mes des cultivateurs.
Les mauvaises récoltes de blé, depuis trente ans. et surtout
les sociétés de tempérance. ont en grande partie mis fin à ëetle
hospitalité par trop dispendieuse.
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