Page 68 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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LES ANCIENS CANADIENS 69
chère femme, à chaque enfant qu'elle menait au monde, et elle
en avait sujet; car, voyez-vous, le quarorzième, en y regardant
de bien près, paraît avoir une taie sur l'œil droit.
José secoua la tête d'un air mécontent et continua:
- Mais, pensait toujours Larouche en lui-même, s'il y a des
mauvaises gens qui courent les campagnes pour jeter des sorts,
je n'ai jamais entendu parler de saints ambulants qui parcou-
raient le Canada pour nous faire des mitacles. Après tout, ce
n'est pas mon affaire: je n'en parlerai à personne; et nous
verrons le printemps prochain.
L'année suivante, vers le même temps, Davi, tout hontew<,
se lève à la sourdine, longtemps avant le jour, pour porter sa
dîme au curé. Il n'avait besoin, ni de cheval ni de voimre: il
la porrait toute à la main dans son mouchoir.
Au soleil levant, il fit encore rencontre, à la même place, de
l'étranger qui lui dit:
- Que la paix soit avec vous, mon frère!
- Jamais souhait ne vint plus à propos, répondit Larouche,
car je crois que le diable est entré dans ma maison, où il tient
son sabbat jour et nuit; ma femme me dévore depuis le matin
jusqu'au soir, mes enfants me boudent, quand ils ne font pas
pis; et tous mes voisins sont déchaînés contre moi.
- J'en suis bien peiné, dit le voyageur; mais que porteZ-vous
dans ce petit paquet?
- C'est ma dîme, reprit Larouche d'un air chagtin.
- Il me semble pourtant, dit rétranger, que vous avez
toujours eu le temps que vous avez souhaité?
- J'en conviens, dit Davi; quand j'ai demandé du soleil,
j'en ai eu; quand j'ai souhaité de la pluie, du vent, du calme,
j'en avais; et cependant rien ne m'a réussi. I.e soleil bn1lait
le grain, la pluie le faisait pourrir, le vent le renversait, et le
calme amenait la gelée pendant la nuit. Tous mes voisins se
sont élevés contre moi: on me traitait de sorcier qui attirait la
malédiction sur leurs récoltes. Ma femme même commença à