Page 66 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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LES ANCIENS CANADIENS 67
S'apercevant enfin que José branlait, à chaque fois, la tête
d'un air mécontent, il lui en demanda la raison.
- Ah! dame! voyez-vous, M. Jules, dit José, je ne suis qu'un
pauvre ignorant sans éducation; mais je pense, à part moi, que
si vous aviez eu le temps dans la main, nous n'en setions guète
mieux: témoin, ce qui est artivé à David Larouche.
La savane enfin franchie, les jeunes gens demandèrent l'his-
toire de José.
- Il est bon de vous dire, fit celui-ci, qu'un nommé Davi
Larouche était établi, il y a longtemps de ça, dans la paroisse de
Saint-Roch. C'était un assez bon habitant, ni trop riche, ni
trop pauvre: il tenait le mitant. Il me ressemblait le cher
homme, il n'était guère futé; ce qui ne l'empêchait pas de rouler
proptement parmi le monde.
Si donc que Davi se lève un matin plus de bonne heute que
de coutume, va faire son train aux bâtiments, revient à la
maison, se fait la barbe comme un dimanche, et s'habille de
son mieux.
Si donc, continua José, que la Thèque dit à son mari: Où
vas-tu, mon homme, que tu est si faraud? prends garde à toi; si
tu fais des fredaines je te repasserai en saindoux.
- Tu sais ben que non, fit Larouche en lui ceinturant les
reins d'un petit coup de fouet par façon de risée; nous voici à
la fin de mars, mon grain est toue battu, je m'en vais porter ma
dîme au curé.
- Tu fais bien, mon homme, que lui dit sa femme, qui était
une bonne chrétienne: il faut rendre au bon Dieu ce qui nOus
vient de lui.
Larouche charge donc ses poches sur son traîneau, jette un
charbon sur sa pipe, saute sur la charge, et s'en va tout joyeux.
Comme il passait un petit bois, il fit rencontre d'un voyageur
qui sortait par un sentier de uaverse. Cet étranger était un
grand bel homme d'une trentaine d'années. Une longue che-
velure blonde lui flottait sur les épaules; ses beaux yeux bleus