Page 157 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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1~8                         LES ANOENS CANADIENS

               diez notre retour pour nous féliciter de nos prouesses, ou voU.!
                moquer de nous lorsque notre gibecière érair vide; il n'y a pas
               un arbre, un buisson, un arbrisseau, un fragment de rocher qui
                ne soit pour moi une ancienne connaissance, que je revois avec
               plaisir.  Quel heureux temps que celui de l'enfance et de
                l'adolescence!  Toujours à la jouissance du moment, oublieuse
               du passé, insouciante de l'avenir, la vie s'écoule aussi paisible
                que l'onde de ce charmant ruisseau que nous franchissons main-
                tenant.  C'est alors que nous étions vraiment sages, Jules et
               moi, lorsque nos rêves ambitieux se bornaient à passer nos
                jours ensemble sur ce domaine, occupés de travaux et de plaisirs
                champêtres.
                  - Cerre vie paisible et monotone, interrompit Blanche, est
                ceIle à laqueIle notre faible sexe nous condamne: Dieu, en
                donnant à l'homme la force et le courage, lui réservait de plus
   t            nobles destinées.  Quel doit être l'enthousiasme de l'homme
                au milieu des combats!  Quel specrade plus sublime que le
                soldat affrontant cent fois la mort dans la mêlée, pour ce qu'il
                a de plus cher au monde!  Quel doit être l'enivrement du guer-
                rier, lorsque le clairon sonne la victoire!
                  La noble jeune fiIle ignorait toute autre gloire que ceIle du
                soldat: son père, presque toujours sous le drapeau, ne revenait
                au sein de sa famille que pour l'entretenir des exploits de ses
                compatriotes, et Blanche, encore enfant, s'enthousiasmait au
                récir de leurs exploits presque fabuleux.
                  -  Ce sont, hélas! dit Acché, des triomphes bien amers,
                quand on songe aux désastres qu'ils causent, aux pleurs des veu-
                ves et des orphelins, privés de ce qu'ils ont de plus cher au
                monde; à leurs crueIles privations; à leur misère souvent abso-
                lue!  Mais nous voici arrivés à la rivière Port-Joli: eIle est
                bien nommée ainsi avec ses bords si riants couverts de rosiers
                sauvages, ses bosquets de sapins et d'épinettes, et se.! taIles
                d'aulnes et de buissons.  Que de souvenirs cette charmante
                rivière me rappeIle!
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