Page 154 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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LES ANCIENS CANADIENS

         fit éclater sa joie avec un abandon qui toucha de Locheill
         jusqu'aux larmes.


           L'arrivée de LocheiII avec les lettres de Jules répandit la joie
         la plus vive dans tous les cœurs de cette excellente famille; on
        ne pouvait se lasser de l'interroger sur un être si cher, sur des
         parents et des amis qu'on avait peu d'espoir de revoir, sur le
         faubourg Saint.Germain, Sur la cour de France, sur ses propres
         aventures depuis Son départ du Canada.
           Arché voulut voir ensuite les domestiques: il trouva la mulA-
        tresse Lisette occupée dans la cuisine des apprêts du dlner: elle
        lui sauta au cou comme elle faisait jadis quand il venait au
        manoir pendant les vacances de collège avec Jules qu'elle avait
        élevé; et les sanglots lui coupèrent la voix.
           Cette mulâtresse, que le capitaine avait achetée à l'âge de
        quatre ans, était, malgré ses défauts, très attachée à toute la
        famille.  Elle ne craignait un peu que le maltre; quant à la
        maltresse, sur le principe qu'elle était plus ancienne qu'elle
        dans la maison, elle ne lui obéissait qu'en temps et lieux.
        Blanche et son frère étaient les seuls qui, par la douceur. lui
        faisaient faire ce qu'ils voulaient.
           Le dîner, servi avec la plus grande simplicité, fut néanmoins
        très abondant, grâce au gibier dont grèves et for~ts foisonnaient
        dans cette saison.  L'argenterie était réduite au plus strict néces·
        saire; outre les cuillères, fourchettes et gobelets ohligés, un seul
        pot de forme antique, aux armes d'Haberville, attestait l'opu-
        lence de cette famille.  Le dessert, tout composé des fruits de
        la saison, fut apporté sur des feuilles d'érable dans des cassots
        et des corbeilles qui témoignaient de l'industrie des anciens
        ahorigènes.  Un petit verre de cassis avant le repas pour
        aiguiser l'appétit, de la bière d'épinette faite avec les branches
        m~mes de l'arbre, du vin d'Espagne que l'on buvait presque
        toujours trempé, furent les seules liqueurs que l'hospitalité du
        seigneur d'Haberville put offrir à son convive: ce qui n'empêcha
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