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162 LES ANCIENS CANADIENS
- Je serai franche avec vous, Arché, répliqua Blanche,
candide comme une paysanne qui n'a étudié ni ses sentiments,
ni ses réponses dans les livres, comme une campagnarde qui
ignore les convenances d'une société qu'eUe ne fréquente plus
depuis longtemps, et qui ne peuvent lui imposer une réserve de
convention, et je vous parlerai le cœur sur les lèvres. Vous
aviez tout, de Locheill, tOut ce qui peut captiver une jeune fiUe
de quinze ans: naissance illustre, esprit, beauté, force athlétique,
sentiments généreux et élevés: que fallait·il de plus pour
fasciner une jeune personne enthousiaste et sensible? Aussi,
Arché, si le jeune homme pauvre et proscrit eftt demandé ma
main à mes parents, qu'ils vous l'eussent accordée, j'aurais éré
fière er heureuse de leur obéir; mais, capitaine Archibald Came·
ron de Locheill, il y a maintenant entre nous un gouffre que
je ne franchirai jamais.
Et les sanglots érouffèrent de nouveau la voix de la noble
demoiseUe.
- Mais, je vous conjure, mon frère Arché, continua-t-elle en
lui prenant la main, de ne rien changer à votre projet de vous
fixer au Canada. Acherer des propriétés voisines de cette
seigneurie, afin que nous puissions nous voir souvent, très
souvent. Et si, suivant le cours ordinaire de la nature (car
vous avez huit ans de plus que moi), j'ai, hélas! le malheur de
vous perdre, soyez certain, cher Arché, que votre tombeau sera
arrosé de larmes aussi abondantes, aussi amères, par votre sœur
Blanche, que si eUe eût été votre épouse.
Et lui serrant la main avec affection dans les siennes, elle
ajouta:
- Il se fair tard, Arché, retournons au logis.
- Vous ne serez jamais assez cruelle envers moi, envers
vous-même, répondit Arché, pour persister dans vOtre refus!
oui, envers vous~même, Blanche, car l'amour d'un cœur comme
le vôtre ne s'éteint pas comme un amour vulgaire; il résiste au
temps, aux vicissitudes de la vie. Jules plaidera ma cause à