Page 134 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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LES ANCIENS CANADIENS                                 135

           Le champ de bataille offrait un bien lugubre spectacle après
         la victoire des Français: le sang, l'cau et la boue adhéraient
         aux vêtements, aux. cheveux, aux visages même d.es morts et
         des blessés étendus çà et là sur un lit de glace: il fallait de
         pénibles efforts pour les dégdger.  Le chevalier de Lévis fit
         pr~ndt~ le plus grand soin des blessés des delL" nations, dont le
         plus grand nombre fut transporté au couvent des Dames Hospi-
         ralières de l'Hôpital-Général.  L'hospice et ses dépendances
         furene encombrés de malades.  Tout le linge de la maison fut
        déchiré pour les pansements; il ne resta aux bonnes religieuses
        que les habits qu'elles portaient sur elles le jour de la bataille.
           Le chevalier de Lévis, qui avait à cœur de montrer les soins
        qu'il donnait aux blessés ennemis, s'érait prêté de la meilleure
        grâce du monde à la demande du général anglais d'envoyer
         trois fois par semaine un de ses officiers visiter les malades de sa
         nation transportés à l'Hôpital-Général.  De Locheill savait que
        son ami devait être dans cet hospice avec les officiers des deux
        nations; mais il n'en avair reçu aucune nouvelle.  Quoique
        dévoré d'inquiétude, il s'était abstenu de s'en informer pour ne
        point donner prise à la malveillance, dans la fausse position où
        ses anciennes relations avec les Canadiens l'avaient mis.  11
        était cependant naturel qu'il désirât rendre visite à ses compa·
        rriores; mais, avec la circonspection d'un Ecossais, il n'en fit
        tien paraître: et ce ne fut que le dixième jour après la bataille,
        lorsque son tour vint naturellement, qu'il se rendit à l'hospice,
        escorté d'un officier français.  La convetsation, entre les deux
        jeunes gens, ne tarit pas pendant la route.
           -Je ne sais, dit à la fin de Locheill, si ce serait une indis-
        crétion de ma part de vous demander à parler privément à la
        supérieure de l'hospice?
           -Je n'y vois pas d'indiscrétion, répondit le Français, mais
        je crains, moi, d'enfreindre mes ordres en vous le permettant:
        il m'est ordonné de vous conduite près de vos compatriotes, et
        rien de plus.
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