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130 LES ANCIENS CANADIENS
l'année précédente. La soif du sang était bien ardente dans les
poitrines d'ennemis qui attisaient depuis tant d'années les haines
séculaires qu'ils avaient transportées de la vieille Europe sur le
nouveau continent. Des deux côtés la bravoure était égale, et
15 000 hommes des meilleurs troupes du monde n'attendaient
que l'ordre de leurs chefs pour ensanglanter de nouveau les
même plaines qui avaient déjà bu le sang de tant de valeureux
soldats.
Jules d'Haberville, qui s'était déjà distingué à la première
bataille des plaines d'Abraham, faisait alors parrie d'une des
cinq compagnies commandées par le brave capitaine d'Aigue-
belle, qui, sur l'ordre du général de Lévis, abandonnèrent
d'abord le moulin de Dumont attaqué par des forces supérieu.
res. Jules blessé grièvement par un éclat d'obus, qui lui avait
cassé le bras gauche, refusa de céder aux instances de ses amis,
qui le pressaient instamment de faire panser une blessure dont
le sang coulait avec abondance; et, se contentant d'un léger
bandage avec son mouchoir, il chargea de nouveau, le bras en
écharpe, à la tête de Sa compagnie, lorsque le général, jugeant
l'importance de s'emparer à tout prix d'un poste dont dépendait
l'issue du combat, ordonna de reprendre l'offensive.
Presque toute l'artillerie du général Murray était dirigée de
manière à protéger cette position si importante, lorsque les
grenadiers français l'abordèrent de nouveau au pas de charge.
Les boulets, la mitraille décimaient leurs rangs, qu'ils refor·
maient à mesure avec autant d'ordre que dans une parade.
Cette position fut prise et reprise plusieurs fois pendant cette
mémorable bataille où chacun luttait de courage. Jules d'Ha.
berville, « le petit grenadier >, comme l'appelaient ses soldats,
emporté par son ardeur malgré sa blessure, s'é-tait précipité,
l'épée à la main, au milieu des ennemis qui lâchèrent prise un
insrant; mais à peine les Français s'y étaient·i1s établis, que les
Anglais, revenant à la charge en plus grand nombre, s'emparè·
rent du moulin, après un combat des plus sanglants.