Page 132 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
P. 132

LES ANCIENS CANADIENS                                 133

         - Que faites-vous, btave Camecon de Locheill? cria l'incon-
       nu.  Le moulin est évacoé par nos vaillants soldats; il n'est pas
       même défendu pat des femmes, des enfants et des vieillards
       infirmes!  Retournez sur vos pas, valeureux Cameron, il vous
       sera facile de l'incendier pour couronner vos exploits!
         Il était impossible de se méprendre à la voix railleuse de
       Jules d'Haberville, quoique Son visage, souillé de sang et de
       boue, Je rendit méconnaissable.
         Arché~ à ces paroles insultantes, n'éprouva qu'un seul senti~
       ment, celui d'une tendre compassion pour l'ami de sa jeunesse,
       pour celui qu'il désirait depuis si longtemps presser dans seS
       bras.  Son cœur battit à se rompre; un sanglot déchirant
       s'échappa de sa poitrine, car il lui sembla entendre retentir de
       nouveau les paroles de la sorcière du domaine:
         -  • Garde ta pitié pour toi-même: ru en auras besoin,
       • lorsque ru poneras dans tes bras le corps sanglant de celui que
       • ru appelles maintenant ton frère!  Je n'éprouve qu'une gran-
       • de douleur, ô Archibald de Locheill! c'est celle de ne pouvoir
       « te maudire! Malheut! malheur! malheur! •
         Aussi Arché, sans égard à la position critique dans laquelle
       il se trouvait, à la responsabilité qui pesait sur lui pour le
      salut de ses soldats, fit faire halte à sa compagnie, et s'avança
       au-devant de Jules, sa claymore dirigée verS la terre.  Un
      instant, un seul instant toute la tendresse du jeune Français pour
      son frère d'adoption sembla se réveiller en lui; mais réprimant
      ce premier mouvement de sensibilité, il lui dit d'une voix creuse
      et empreinte d'amertume:
         - Défendez-vous, monsieur de Locheill, vous aimez les
      triomphes faciles.  Défendez-vous!  Ah! traitre!
         A cette nouvelle injure, Arché, se croisant les btas, se con·
       tenta de répondre de sa voix la plus affecmeuse:
         -  Toi aussi, mon frère Jules, toi aussi ru m'as condamné
      sans m'cntendIe!
   127   128   129   130   131   132   133   134   135   136   137