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106 LES ANCIENS CANADIENS
- Emma! ma chère Emma! c'est ta mère qui vient te
chercher pour te patter dans ton petit berceau, où ru seras
couchée si chaudement! Emma! ma chère Emma! ru dois avoir
bien froid sous cette terre humide!
Et elle prêtait l'oreille en la coUant sur la pierre glacée,
comme si elle eût attendu une réponse. Elle tressaillait au
moindre bruit, et se prenait à sanglotet en découvrant que
c'étaient les murmures du saule pleureur agité par l'aquilon.
Et les passants disaient:
- L'herbe du cimetière, sans cesse arrosée par les larmes de
la pauvre mère, devrait être toujours verte, mais ses larmes sont
si amères qu'elles la dessèchent comme le soleil ardent du midi
après une fotte averse.
Elle pleurait assise sur les bords du ruisseau où elle l'avait
menée si souvent jouer avec les cailloux et les coquilles du
rivage; où elle avait lavé tant de fois ses petits pieds dans ses
ondes pures et limpides. Et les passants disaient:
- La pauvre mère ver~e tant de larmes ~;'l'e~Je augmente le
cours du ruisseau!
Elle rentrait chez elle pour pleurer dans toures les chambres
où elle avait été témoin des ébats de son enfant. Elle ouvrait
une valise dans laquelle elle conservait précieusement tout ce
qui lui avait appartenu: ses hardes, ses jouets, la petite coupe de
vermeil dans laquelle elle lui avait donné à boire pour la
dernière fois. Elle saisissait d'une main convulsive un de ses
petits souliers, l'embrassait avec passion, et ses sanglors auraient
attendri un cœur de diamant.
Elle passait une partie de la journée dans l'église du village à
prier, à supplier Dieu de faire un miracle, un seul miracle pour
elle: de lui rendre son enfant' Et la voix de Dieu semblait
lui répondre:
- Comme le saint roi David, tu iras trouver ton enfant un
jour; mais lui ne retournera jamais vers toi.
Elle s'écria alors: