Page 110 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
P. 110
LES ANCIENS CANADIENS III
- Vous êtes un saint, mon père: mon enfant! rendez·moi
mon enfant! ma petite Emma!
- Oui, dit le moine, vous aimiez bien votre enfant: vous
auriez fait beaucoup pour lui épargner une douleur, même la
plus légère?
- Tout, tout, mon père, s'écria la pauvre femme; je me
serais roulée sur des charbons ardents pour lui épargner une
petite brûlure.
- Je le crois, dit le moine; et vous l'aimez sans doute
encore?
- Si je l'aime, bonté divine! dit la pauvre mère en se
relevant d'un bond, comme mordue au cœur par une vipère;
si je l'aime! On voit bien, prêtre, que vous ignorez l'amour
maternel, puisque vous croyez que la mort même puisse
l'anéantir.
Et, tremblant de tout son corps, elle versa de nouveau un
torrent de larmes.
- Retirez·vous, femme, dit le vieillard d'un ton de voix
qu'il s'efforçait de rendte sévère; retirez-vous, femme qui êtes
venue m'en imposer; retirez·vous, femme qui mentez à Dieu et
à son ministre. Vous avez vu votre petite fille ployant sous le
fardeau de vos larmes, qu'elle a tecueillies goutte à goutte, er
vous me dites encore que vous l'aimez! Elle est ici dans ce
moment, près de vous, continuant sa pénible besogne: et vous
me dites que vous l'aimez! Retirez-vous, femme, car vous
mentez à Dieu et à son ministre.
Les yeux de cette pauvre mère s'ouvrirent comme après un
songe oppressif; elle avoua que sa douleur avait été insensée, et
en demanda pardon à Dieu.
- Allez en paix, reprit le saint vieillard, priez avec résigna-
tion et le calme se fera dans votre âme.
Elle raconta, quelques jours après, au bon moine, que sa
petite fille, toute rayonnante de joie et portant une corbeille de
fleurs, lui était apparue en songe pour la remercier de ce qu'elle