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108 LES ANOENS CANADIENS
Il renua dans la sacristie, et reparut presque aussitÔt; mais cette
fois précédant un vénérable prêtre portant un calice et revêtu
de l'habit sacerdotal d'un ministre de Dieu qui va célébrer le
saint sacrifice. Ses grands yeux démesurément ouverts étaient
empreints de tristesse; ses mouvements ressemblaient à ceux
d'un automate qu'un mécanisme secret ferait mouvoir. Elle
reconnut en lui le vieux curé, mort aussi depuis vingt ans, qui
l'avait baptisée et lui avait fait faire sa première communion.
Loin d'êue frappée de stupeur à l'aspect de cet hôte de la
tombe, loin d'être épouvantée de ce prodige, la pauvre mère,
toute à sa douleur, pensa que son vieil ami, touché de son
désespoir, avait brisé les liens du linceul pour venir offrir une
dernière fois pour elle le saint sacrifice de la messe; elle pensa
que ce bon pasteur qui l'avait consolée tant de fois, venait à
son secours dans ses angoisses maternelles.
Tout était grave, morne, lugubre, sombre et silencieux
pendant cette messe célébrée et servie par la mort. Les cierges
mêmes jetaient une lumière pâle comme celle d'une lampe
qui s'éteint. A l'instant où la cloche du sanctus, rendant un
son brisé comme celui des os que casse le fossoyeur dans un
vieux cimetière, annonçait que le Christ allait descendre sur
l'autel, la porte de la sacristie s'ouvrit de nouveau et donna
passage à une procession de petits enfants, qui, marchant deux à
deux, défilèrent, après avoir uaversé le chœur, dans l'allée du
côté de l'Epîue. Ces enfants, dont les plus âgés paraissaient
avoir à peine six ans, portaient des couronnes d'immortelles, et
tenaient dans leurs mains, les uns des corbeilles pleines de
Heurs, et des petits vases remplis de parfums, les autres des peti.
tes coupes d'or et d'argent contenant une liqueur uansparente.
Ils s'avançaient tous d'un pas léger, et la joie rayonnait sur leurs
visages célestes. Une seule, une petite fille, à l'extrémité de
la procession, semblait suivre les autres péniblement, chargée
qu'elle était de deux immenses seaux qu'elle traînait avec peine.
Ses petits pieds, rougis par la pression, ployaient sous le fardeau,