Page 107 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
P. 107

108                         LES ANOENS CANADIENS


               Il renua dans la sacristie, et reparut presque aussitÔt; mais cette
               fois précédant un vénérable prêtre portant un calice et revêtu
               de l'habit sacerdotal d'un ministre de Dieu qui va célébrer le
               saint sacrifice.  Ses grands yeux démesurément ouverts étaient
               empreints de tristesse; ses mouvements ressemblaient à ceux
               d'un automate qu'un mécanisme secret ferait mouvoir.  Elle
               reconnut en lui le vieux curé, mort aussi depuis vingt ans, qui
               l'avait baptisée et lui avait fait faire sa première communion.
               Loin d'êue frappée de stupeur à l'aspect de cet hôte de la
               tombe, loin d'être épouvantée de ce prodige, la pauvre mère,
               toute à sa douleur, pensa que son vieil ami, touché de son
               désespoir, avait brisé les liens du linceul pour venir offrir une
               dernière fois pour elle le saint sacrifice de la messe; elle pensa
               que ce bon pasteur qui l'avait consolée tant de fois, venait à
               son secours dans ses angoisses maternelles.
                  Tout était grave, morne, lugubre, sombre et silencieux
               pendant cette messe célébrée et servie par la mort.  Les cierges
               mêmes jetaient une lumière pâle comme celle d'une lampe
               qui s'éteint.  A l'instant où la cloche du sanctus, rendant un
               son brisé comme celui des os que casse le fossoyeur dans un
               vieux cimetière, annonçait que le Christ allait descendre sur
               l'autel, la porte de la sacristie s'ouvrit de nouveau et donna
               passage à une procession de petits enfants, qui, marchant deux à
               deux, défilèrent, après avoir uaversé le chœur, dans l'allée du
               côté de l'Epîue.  Ces enfants, dont les plus âgés paraissaient
               avoir à peine six ans, portaient des couronnes d'immortelles, et
               tenaient dans leurs mains, les uns des corbeilles pleines de
               Heurs, et des petits vases remplis de parfums, les autres des peti.
               tes coupes d'or et d'argent contenant une liqueur uansparente.
               Ils s'avançaient tous d'un pas léger, et la joie rayonnait sur leurs
               visages célestes.  Une seule, une petite fille, à l'extrémité de
               la procession, semblait suivre les autres péniblement, chargée
               qu'elle était de deux immenses seaux qu'elle traînait avec peine.
               Ses petits pieds, rougis par la pression, ployaient sous le fardeau,
   102   103   104   105   106   107   108   109   110   111   112